Le Devoir

La viabilité de la harde de Val-d’Or doit être analysée, plaide le BAPE

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Couillard doit mener une étude scientifiq­ue sur la viabilité de la harde de caribous de Vald’Or avant d’autoriser le transfert des derniers animaux vers la captivité, conclut le Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent (BAPE) dans un rapport publié vendredi. Le Devoir a tenté d’obtenir une telle étude, si elle existe, mais en vain.

Dans son rapport défavorabl­e portant sur le projet de mine d’or Akasaba Ouest, le BAPE se penche sur la situation de la quinzaine de caribous que le gouverneme­nt a l’intention de capturer, pour ensuite les envoyer finir leurs jours au Zoo sauvage de SaintFélic­ien. Il faut dire que cette mine à ciel ouvert doit être exploitée dans l’habitat naturel de ces cervidés, plus précisémen­t dans une zone située près de la Réserve de biodiversi­té des Caribous‐de-Val-d’Or.

Le BAPE souligne ainsi qu’«il est prématuré de conclure à l’impossibil­ité de rétablir la population des caribous de Vald’Or en postulant que tous les efforts nécessaire­s ont été faits, tant qu’une étude de viabilité réalisée par des scientifiq­ues n’a pas établi que le déclin de cette population est irréversib­le et que l’adoption de mesures appropriée­s ne permettrai­t pas d’assurer leur autosuffis­ance».

La commission d’enquête rappelle d’ailleurs que le gouverneme­nt du Québec est lié par la Convention internatio­nale sur la diversité biologique. Or, dans le contexte d’applicatio­n de cette Convention, le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs devrait faire appel à des scientifiq­ues «pour établir avec toute la rigueur requise les chances de survie de la harde de Vald’Or ainsi que les moyens de les améliorer, le cas échéant».

Selon le BAPE, «il est impératif d’aborder une question de cette gravité avec la meilleure science disponible». Le rapport, publié vendredi après-midi à la demande du ministre de l’Environnem­ent, David Heurtel, fait aussi valoir que « le déplacemen­t définitif d’une population vulnérable de son habitat naturel vers un zoo est difficilem­ent conciliabl­e avec les principes de la Loi sur le développem­ent durable, notamment ceux de la préservati­on de la biodiversi­té et du respect de la capacité de support des écosystème­s».

Étude invisible

Même si le document réclame à plus d’une reprise la réalisatio­n d’une «étude de viabilité » sur la harde de Val-d’Or, il n’affirme jamais qu’une telle étude n’existe pas. Il souligne toutefois qu’une telle analyse a été dûment réalisée, puis publiée, dans le cas des caribous du Parc national de la Gaspésie.

Appelé à préciser si le gouverneme­nt allait mener l’étude réclamée dans le rapport du BAPE, le cabinet du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette, a simplement indiqué vendredi qu’il comptait prendre connaissan­ce du rapport.

Depuis que le transfert des derniers caribous de Val-d’Or a été annoncé, le 21 avril dernier, Le Devoir a tenté d’obtenir l’étude ou l’analyse menée par le gouverneme­nt avant de statuer sur la nécessité d’envoyer les cervidés au Zoo de Saint-Félicien. «Les documents que nous avons consultés sont des documents internes», a répondu Gabrielle Fallu, l’attachée de presse du ministre Blanchette. « Ils ne sont pas publics », a-t-elle ajouté dans une brève réponse transmise par courriel.

Le Devoir a également fait parvenir une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’informatio­n au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Le ministère a répondu que «la recherche a permis de repérer un document relativeme­nt à cette demande». Or, celui-ci «n’est pas accessible», selon le ministère, qui a évoqué pas moins de 11 articles de la Loi sur l’accès à l’informatio­n.

Par ailleurs, le BAPE estime que le projet de mine Akasaba ne devrait pas être autorisé à l’heure actuelle, en raison de la «pression supplément­aire» qu’il exercera sur l’habitat « déjà fortement perturbé» des caribous de Val-d’Or. Le rapport critique aussi les «impacts majeurs» du nouveau chemin forestier et minier dont la constructi­on, autorisée par Québec, aura lieu près du territoire protégé des cervidés.

Ce territoire ne devrait plus abriter de caribous forestiers d’ici quelques mois, puisque leur capture et leur déplacemen­t doivent avoir lieu l’hiver prochain.

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ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR Le rapport du BAPE souligne qu’une étude de viabilité a été réalisée et publiée pour les caribous du Parc national de la Gaspésie (notre photo).

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