Une école universitaire au primaire
Un établissement nouveau genre verra le jour à Terrebonne en septembre
Une école primaire tente un nouveau modèle, visant à mettre en application les nouvelles pratiques pédagogiques et les savoirs scientifiques dans l’enseignement quotidien, et ce, sous la supervision de chercheurs universitaires, qui pourront documenter le tout. L’école, qui n’a pas encore de nom, ouvrira ses portes à Terrebonne en septembre prochain.
«Pourquoi, en éducation, n’avons-nous pas le même modèle que les hôpitaux universitaires, qui permettent de retrouver dans un même endroit de vrais élèves, des enseignants à jour dans les pratiques probantes, des stagiaires et des universitaires qui vont pouvoir observer les difficultés et les défis rencontrés dans les classes afin de mettre en relation la pratique et le savoir ? »
C’est à la suite de cette réflexion que FranceLyne Masse, directrice des ressources éducatives à la Commission scolaire des Affluents, a eu l’idée de cette nouvelle « école universitaire au primaire ». Depuis deux ans, la commission scolaire travaille donc sur ce projet en collaboration avec le Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a été choisi comme partenaire de ce projet, qu’elle
qualifie d’« unique et novateur ».
L’idée tombait à point. En effet, un nouvel ensemble résidentiel dans le secteur Lachenaie à Terrebonne forçait la commission scolaire à ouvrir une deuxième école sur le territoire, puisque l’école de quartier, Arc-en-Ciel, débordait déjà.
Préoccupations des parents
La commission scolaire a donc pensé la nouvelle école, toujours en construction à la jonction des autoroutes 40 et 640, en fonction de cette vocation universitaire. « Pour éviter que plusieurs stagiaires passent dans les classes et dérangent la gestion de la classe à tout moment, on a construit des cubicules avec des fenêtres d’observation entre les classes, explique France-Lyne Masse. On va aussi avoir de l’équipement pour faire de la captation vidéo de la classe pendant certains moments où l’on fait des pratiques pédagogiques efficaces.»
Cela répondait notamment à une des préoccupations des parents, qui « avaient réellement peur de ne jamais voir l’enseignant de leur enfant, considérant qu’il allait y avoir des stagiaires dans cette école-là», explique la nouvelle directrice de l’école, Stéphanie Chapleau.
Malgré les questionnements et les inquiétudes des parents, plus des trois quarts des 150 parents ayant assisté à la rencontre ont manifesté leur souhait d’y inscrire leur enfant pour l’automne prochain. « Les parents ont apprécié le fait qu’il y avait enfin des idées novatrices pour l’école publique », ajoute-t-elle fièrement. Les parents qui n’adhèrent pas pourront continuer de fréquenter l’école Arc-en-Ciel.
Pas un laboratoire
Selon France-Lyne Masse, le fait de travailler en collaboration avec des universitaires va permettre de garder les enseignants à jour dans leur approche pédagogique, ce qui fait parfois défaut dans les écoles québécoises. « On est encore trop séparés de ce qui se fait par rapport à la recherche, on a de la difficulté à faire descendre les connaissances pour les appliquer dans la vie réelle», affirme-t-elle. On veut appliquer les meilleures pratiques, faire de la recherche sur leur application, mais la directrice des ressources éducatives refuse de parler de laboratoire. «Il y a une nuance, je ne peux pas arriver et dire: “tiens, il y a une recherche intéressante qui vient de sortir sur la classe inversée, on va l’appliquer et le tester”. On ne peut pas faire ça comme commission scolaire. On n’est pas une école d’expérimentation. Il faut que ce soit des méthodes qui ont fait leur preuve et qu’on va venir appliquer dans notre contexte au Québec.»
Elle donne l’exemple de l’apprentissage de la lecture et du vocabulaire par la littérature, une pratique documentée depuis 20 ans aux ÉtatsUnis. Ainsi, plutôt que de se servir des manuels scolaires et autres cahiers d’activités, le professeur va utiliser «un vrai livre» qui s’adresse aux enfants. Tout est dans la façon de choisir le livre, en fonction, par exemple, de répétition de mots ou de sons. «L’enseignant peut se servir de tel ou tel livre pour montrer sa leçon de lecture et avoir, du coup, tout le plaisir de lire un vrai livre qui a une intention réelle, et non pas seulement une intention scolaire », explique avec enthousiasme Mme Masse, qui parle de «résultats phénoménaux » auprès des jeunes.
«L’idée, ce n’est pas seulement de faire du top down de l’université vers l’école, ajoute-t-elle. Les universités ont aussi besoin de nous parce que les enseignants d’université sont parfois loin de la réalité, ça fait longtemps qu’ils n’ont pas vu une salle de classe de niveau primaire ou secondaire et ils ont besoin de ce côté pratique là pour adapter aussi leur message et leur façon d’enseigner aux futurs enseignants. C’est donc un réel travail de collaboration. »
Au-delà de la recherche appliquée, la direction souhaite que l’école demeure une école de quartier «la plus naturelle possible». Elle respectera dans son intégrité le programme de formation québécois, confirme France-Lyne Masse. «L’objectif derrière tout ça, c’est d’avoir des enseignants qui deviennent des porte-parole, qui transmettent le savoir aux autres professeurs. On ne veut pas que ce soit une école close, une école universitaire que les gens regardent en disant: “wow, il se fait de belles choses là”, mais que ça reste en vase clos. »