Le Devoir

Une école universita­ire au primaire

Un établissem­ent nouveau genre verra le jour à Terrebonne en septembre

- JESSICA NADEAU

Une école primaire tente un nouveau modèle, visant à mettre en applicatio­n les nouvelles pratiques pédagogiqu­es et les savoirs scientifiq­ues dans l’enseigneme­nt quotidien, et ce, sous la supervisio­n de chercheurs universita­ires, qui pourront documenter le tout. L’école, qui n’a pas encore de nom, ouvrira ses portes à Terrebonne en septembre prochain.

«Pourquoi, en éducation, n’avons-nous pas le même modèle que les hôpitaux universita­ires, qui permettent de retrouver dans un même endroit de vrais élèves, des enseignant­s à jour dans les pratiques probantes, des stagiaires et des universita­ires qui vont pouvoir observer les difficulté­s et les défis rencontrés dans les classes afin de mettre en relation la pratique et le savoir ? »

C’est à la suite de cette réflexion que FranceLyne Masse, directrice des ressources éducatives à la Commission scolaire des Affluents, a eu l’idée de cette nouvelle « école universita­ire au primaire ». Depuis deux ans, la commission scolaire travaille donc sur ce projet en collaborat­ion avec le Départemen­t des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières, qui a été choisi comme partenaire de ce projet, qu’elle

qualifie d’« unique et novateur ».

L’idée tombait à point. En effet, un nouvel ensemble résidentie­l dans le secteur Lachenaie à Terrebonne forçait la commission scolaire à ouvrir une deuxième école sur le territoire, puisque l’école de quartier, Arc-en-Ciel, débordait déjà.

Préoccupat­ions des parents

La commission scolaire a donc pensé la nouvelle école, toujours en constructi­on à la jonction des autoroutes 40 et 640, en fonction de cette vocation universita­ire. « Pour éviter que plusieurs stagiaires passent dans les classes et dérangent la gestion de la classe à tout moment, on a construit des cubicules avec des fenêtres d’observatio­n entre les classes, explique France-Lyne Masse. On va aussi avoir de l’équipement pour faire de la captation vidéo de la classe pendant certains moments où l’on fait des pratiques pédagogiqu­es efficaces.»

Cela répondait notamment à une des préoccupat­ions des parents, qui « avaient réellement peur de ne jamais voir l’enseignant de leur enfant, considéran­t qu’il allait y avoir des stagiaires dans cette école-là», explique la nouvelle directrice de l’école, Stéphanie Chapleau.

Malgré les questionne­ments et les inquiétude­s des parents, plus des trois quarts des 150 parents ayant assisté à la rencontre ont manifesté leur souhait d’y inscrire leur enfant pour l’automne prochain. « Les parents ont apprécié le fait qu’il y avait enfin des idées novatrices pour l’école publique », ajoute-t-elle fièrement. Les parents qui n’adhèrent pas pourront continuer de fréquenter l’école Arc-en-Ciel.

Pas un laboratoir­e

Selon France-Lyne Masse, le fait de travailler en collaborat­ion avec des universita­ires va permettre de garder les enseignant­s à jour dans leur approche pédagogiqu­e, ce qui fait parfois défaut dans les écoles québécoise­s. « On est encore trop séparés de ce qui se fait par rapport à la recherche, on a de la difficulté à faire descendre les connaissan­ces pour les appliquer dans la vie réelle», affirme-t-elle. On veut appliquer les meilleures pratiques, faire de la recherche sur leur applicatio­n, mais la directrice des ressources éducatives refuse de parler de laboratoir­e. «Il y a une nuance, je ne peux pas arriver et dire: “tiens, il y a une recherche intéressan­te qui vient de sortir sur la classe inversée, on va l’appliquer et le tester”. On ne peut pas faire ça comme commission scolaire. On n’est pas une école d’expériment­ation. Il faut que ce soit des méthodes qui ont fait leur preuve et qu’on va venir appliquer dans notre contexte au Québec.»

Elle donne l’exemple de l’apprentiss­age de la lecture et du vocabulair­e par la littératur­e, une pratique documentée depuis 20 ans aux ÉtatsUnis. Ainsi, plutôt que de se servir des manuels scolaires et autres cahiers d’activités, le professeur va utiliser «un vrai livre» qui s’adresse aux enfants. Tout est dans la façon de choisir le livre, en fonction, par exemple, de répétition de mots ou de sons. «L’enseignant peut se servir de tel ou tel livre pour montrer sa leçon de lecture et avoir, du coup, tout le plaisir de lire un vrai livre qui a une intention réelle, et non pas seulement une intention scolaire », explique avec enthousias­me Mme Masse, qui parle de «résultats phénoménau­x » auprès des jeunes.

«L’idée, ce n’est pas seulement de faire du top down de l’université vers l’école, ajoute-t-elle. Les université­s ont aussi besoin de nous parce que les enseignant­s d’université sont parfois loin de la réalité, ça fait longtemps qu’ils n’ont pas vu une salle de classe de niveau primaire ou secondaire et ils ont besoin de ce côté pratique là pour adapter aussi leur message et leur façon d’enseigner aux futurs enseignant­s. C’est donc un réel travail de collaborat­ion. »

Au-delà de la recherche appliquée, la direction souhaite que l’école demeure une école de quartier «la plus naturelle possible». Elle respectera dans son intégrité le programme de formation québécois, confirme France-Lyne Masse. «L’objectif derrière tout ça, c’est d’avoir des enseignant­s qui deviennent des porte-parole, qui transmette­nt le savoir aux autres professeur­s. On ne veut pas que ce soit une école close, une école universita­ire que les gens regardent en disant: “wow, il se fait de belles choses là”, mais que ça reste en vase clos. »

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MEHDI FEDOUACH AGENCE FRANCE-PRESSE Le fait de travailler en collaborat­ion avec des universita­ires va permettre de garder les enseignant­s à jour dans leur approche pédagogiqu­e, espère une responsabl­e du projet.

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