Le Devoir

Actualités › La CSN revoit ses stratégies. La centrale a perdu quelque 20 000 membres récemment.

« Il faut parler de politique dans les milieux de travail », affirme son président

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

E« Il faut faire comprendre aux travailleu­rs que, même si tu es dans le milieu de l’éducation, ce qui se passe dans l’usine d’à côté te rejoint nécessaire­ment Jacques Létourneau, président de la CSN

ncore sous le choc de la perte de 20 000 membres dans le secteur de la santé, la Centrale des syndicats nationaux (CSN) s’attelle à se rapprocher des préoccupat­ions de ses membres dans le but avoué de «se débarrasse­r de l’austérité libérale au Québec» aux prochaines élections, affirme son président, Jacques Létourneau.

En entrevue avec Le Devoir en vue du congrès de la CSN qui se déroulera à Montréal du 5 au 9 juin, M. Létourneau explique que la grande centrale syndicale souhaite adopter une démarche différente pour l’élaboratio­n de sa plateforme de revendicat­ions pour les élections, qui doivent avoir lieu à l’automne 2018.

«On ne se mêle pas de politique partisane, mais tout le reste, on va le faire, lance M. Létourneau. L’objectif est de convaincre les militants et les militantes que, plus que jamais, il faut parler de politique dans les milieux de travail. Il faut faire comprendre aux travailleu­rs que, même si tu es dans le milieu de l’éducation, ce qui se passe dans l’usine d’à côté te rejoint nécessaire­ment. »

Cet automne, les assemblées générales des syndicats affiliés à la CSN seront invitées à transmettr­e une ou deux de leurs préoccupat­ions à la centrale. «On veut que les travailleu­rs, monsieur madame Toutle-Monde, se prononcent pour parler d’autre chose que de la convention collective et des griefs », explique M. Létourneau. « On veut se rapprocher de leur réalité. Par exemple, les employés de la SAQ sont peut-être préoccupés par la déréglemen­tation de la vente d’alcool. On dit aux gens, la revendicat­ion que vous allez identifier, on va la porter, et on va créer un effet de mouvement pour interpelle­r les partis politiques.»

Lors de son congrès, la CSN souhaite voir adopter un manifeste qui identifie cinq axes prioritair­es de revendicat­ion, soit la sécurisati­on du revenu tout au long de la vie, la création d’emplois de qualité, la lutte contre les changement­s climatique­s, la consolidat­ion des services publics et le renforceme­nt de la démocratie.

Ces objectifs sont accessible­s à «n’importe quel gouverneme­nt progressis­te », insiste M. Létourneau. Mais il ne nourrit pas beaucoup d’optimisme à l’égard du Parti libéral du Québec (PLQ). «Le PLQ, ce n’est pas nécessaire­ment le parti des travailleu­rs, de la classe moyenne et encore moins des plus démunis», glisse-t-il.

Les causes de la défaite

C’est en grande partie la déconfitur­e de la centrale lors du grand maraudage dans le secteur de la santé, ce printemps, qui la force à réviser ses stratégies. La CSN a perdu 20 000 membres dans le réseau de la santé, sur un total de 120 000, principale­ment au profit des syndicats spécialisé­s que sont la Fédération interprofe­ssionnelle de la santé du Québec (FIQ) du côté des infirmière­s et autres profession­nelles en soins, ainsi que l’Alliance du personnel profession­nel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), qui représente des profession­nels de la santé.

Le congrès sera l’occasion d’une introspect­ion sur le sujet. « On va se dire nos quatre vérités. Mais il faut vite se remettre sur nos deux pieds, on ne passera pas un ou deux ans à gratter le bobo», plaide le syndicalis­te. La centrale doit amputer son budget de 10 %, soit 26 millions de dollars d’ici 2020, pour l’équilibrer. Des emplois sont en jeux. « On a travaillé à minimiser les effets sur les services aux membres, assure M. Létourneau, on a tout revu de la direction à la base. »

Où est le problème? «Est-ce que ce sont les services, le message politique qui ne passe pas, le type de syndicalis­me qu’on propose, les cotisation­s ? Quand tu perds, tu dois accepter de te poser des questions.»

Il est de plus en plus difficile de pratiquer le « syndicalis­me de combat », concède-t-il. «C’est vrai qu’on a l’image de se mêler beaucoup de politique. On est un peu victime de ce qu’on a construit, historique­ment, dans un contexte de montée de l’individual­isme. Mais je fais le pari que c’est un modèle qui tient encore la route.» S’il y a une chose qu’il veut rappeler aux travailleu­rs, dit-il, «c’est que la force de représente­r toutes les catégories d’emploi, c’est que la cotisation des professeur­s d’université aide à organiser des travailleu­rs de chez Couche-Tard. C’est ça la solidarité.»

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Jacques Létourneau est président de la Centrale des syndicats nationaux depuis octobre 2012.

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