Le Devoir

La Défense tente de retracer des victimes de discrimina­tion contre les homosexuel­s

- JIM BRONSKILL à Ottawa

Le ministère de la Défense doit fouiller dans les vieux dossiers des Archives nationales afin de déterminer le nombre de militaires qui ont été contraints de quitter l’armée parce qu’ils étaient homosexuel­s.

Le gouverneme­nt Trudeau a fait part de ses intentions de présenter des excuses aux anciens militaires, espérant faire amende honorable auprès des victimes de discrimina­tion au sein de l’ensemble de l’armée.

Ces politiques discrimina­toires remontent aux années 1940 alors que les autorités scrutaient la vie privée des employés représenta­nt, selon elles, des risques à la sécurité nationale.

Toutefois, le ministère ignore complèteme­nt le nombre de personnes qui ont été affectées par ces pratiques discrimina­toires de 1969 — année où l’homosexual­ité a été officielle­ment décriminal­isée — jusqu’en 1992, année au cours de laquelle les restrictio­ns contre les homosexuel­s dans les Forces armées canadienne­s ont été abolies.

Le service des ressources humaines du ministère ne détient pas d’informatio­n sur les orientatio­ns sexuelles des militaires. Il n’enregistre pas non de données sur les raisons pour lesquelles une personne a démissionn­é de l’armée, a reconnu une porte-parole, Suzanne Parker, dans un courriel transmis à La Presse canadienne.

«Il est impossible de donner une estimation juste [du nombre de militaires ayant quitté l’armée de 1969 à 1992 à cause de leur orientatio­n sexuelle] », a-t-elle ajouté.

En février 2016, une note de service transmise au vice-ministre adjoint de la Défense, obtenue grâce à la Loi d’accès sur l’informatio­n, recommanda­it des efforts «supplément­aires» afin de déterminer le nombre de victimes des pratiques discrimina­toires.

Le gouverneme­nt pourrait être confronté à une action collective d’un groupe voulant représente­r «tous les employés, anciens ou actuels, des Forces armées canadienne­s, du gouverneme­nt du Canada ou des sociétés d’État qui ont fait l’objet d’enquêtes ou de sanctions, ont fait face à des menaces de sanction, ont été libérés de leurs fonctions ou congédiés par le gouverneme­nt du Canada à cause de leur orientatio­n sexuelle, de leur identité de genre ou de leur expression de genre, entre le 27 juin 1969 et aujourd’hui».

La plongée dans les archives pourrait nécessiter une longue recherche. «On pourrait devoir retrouver et étudier chaque dossier personnel à Bibliothèq­ue et Archives Canada afin de déterminer les circonstan­ces de chaque cas», a dit Mme Parker.

Todd Ross est l’un des demandeurs de la requête en recours collectif. Il avait été recruté par les Forces armées à l’âge de 18 ans. Pendant son service, il a fait l’objet d’une enquête de la police militaire. Il a admis être homosexuel alors qu’il subissait un test polygraphi­que, une expérience «incroyable­ment traumatisa­nte pour lui», ont affirmé les avocats dans leur requête.

M. Ross a accepté une libération honorable plutôt que passer le reste de sa carrière militaire à effectuer des tâches générales, sans espoir de promotion ou d’avancement.

En 1967, les Forces canadienne­s formulaien­t l’ordonnance administra­tive 19-20 intitulée «Déviation sexuelle — enquêtes, examens médicaux et mesures à prendre», qui visait à bannir les homosexuel­s de ses rangs, rappelle la note.

Selon des dossiers de l’armée, 43 militaires ont quitté l’armée en vertu de l’ordonnance entre janvier 1985 et janvier 1988, mentionne une autre note interne de mars 2016. Entre 1988 et 1992, année où cette pratique a été abolie, le nombre de militaires révoqués s’élevait à 47. Aucune donnée pour les années précédant 1985 n’est disponible.

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