Le Devoir

Oui à la légalisati­on de la marijuana, non à la privatisat­ion

- DAVID-MARTIN MILOT Président de Jeunes médecins pour la santé publique

L’industrie du cannabis est lucrative et en plein essor au Colorado depuis sa légalisati­on en 2012. L’an dernier, les ventes de cannabis totalisant 700 millions de dollars ont même dépassé celles de l’alcool dans cet État américain. Une augmentati­on du nombre de consommate­urs et donc possibleme­nt des conséquenc­es liées à sa consommati­on y a aussi été observée. Est-ce vraiment ce que l’on veut pour le Québec ? Le groupe de Jeunes médecins pour la santé publique (JMPSP) recommande la précaution.

Selon les données scientifiq­ues et les expérience­s vécues sur la scène internatio­nale, la légalisati­on du cannabis présente plusieurs avantages. Elle permet ainsi un meilleur contrôle de la production de la substance et de son accessibil­ité, de même qu’une restrictio­n sévère de sa promotion, particuliè­rement auprès des jeunes. Elle donne aussi lieu à une meilleure compréhens­ion de ses effets grâce à la recherche, donnant lieu à une sensibilis­ation qui s’appuie sur des données scientifiq­ues robustes pour mieux informer la population. Bref, la position du milieu de la santé publique est unanime : les bénéfices de la légalisati­on du cannabis pour la santé de la population excèdent les risques qui y sont liés.

Toutefois, cela n’est vrai que si des conditions essentiell­es sont respectées. Dans un mémoire diffusé en avril dernier, les Directeurs de santé publique du Québec recommande­nt d’accompagne­r la légalisati­on du cannabis de mesures visant à prévenir la consommati­on, particuliè­rement chez les jeunes, à limiter les risques à la santé chez les consommate­urs, à assurer la sécurité et la protection des Québécois et à investir en éducation, surveillan­ce, recherche et évaluation liées au cannabis.

Malheureus­ement, le comité ministérie­l présidé par la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, envisage de ne pas respecter ces conditions. En effet, la distributi­on du cannabis par le secteur privé va à l’encontre des bonnes pratiques. Les experts en santé publique préconisen­t plutôt un modèle de distributi­on sans but lucratif, comme un monopole d’État. Une instance indépendan­te assurerait un contrôle serré de la distributi­on, tout en garantissa­nt que les revenus générés soient consacrés à la prévention des conséquenc­es néfastes liées à la consommati­on du cannabis. Mais cette option a été balayée par le gouverneme­nt. Pourtant, les risques décriés par plusieurs dans les médias sont liés non pas à la légalisati­on de la substance, mais bien aux pratiques de sa commercial­isation.

Lorsque le secteur privé est responsabl­e de la distributi­on, la restrictio­n de l’accès au cannabis est difficilem­ent régulée, et ce, malgré un encadremen­t réglementa­ire serré tel qu’annoncé par le gouverneme­nt. Les tentatives ardues de contrôler la distributi­on du tabac nous le montrent bien, cette industrie trouvant mille et une façons de contourner la loi pourtant stricte.

La privatisat­ion de la distributi­on pourrait aussi compromett­re le contrôle de la qualité du cannabis et donc sa consommati­on sécuritair­e. Bien que le gouverneme­nt fédéral réglemente la production de cannabis et délivre des permis, des mécanismes de contrôle de la qualité doivent aussi être prévus auprès des distribute­urs. Le scénario préconisé par le comité ministérie­l, où les vendeurs s’approvisio­nneraient directemen­t auprès des producteur­s, ne permet pas la mise en place de cette assurance qualité.

JMPSP réitère donc la position des experts en la matière afin d’amenuiser les effets néfastes du cannabis, soit une distributi­on sans but lucratif visant la protection de la santé plutôt que via le privé. Nous demandons au comité ministérie­l présidé par la ministre Charlebois de réviser sa position quant à la distributi­on du cannabis par le secteur privé, au nom de la santé des Québécois.

 ?? ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR ?? Une partisane de la légalisati­on du cannabis le 20 avril dernier
ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Une partisane de la légalisati­on du cannabis le 20 avril dernier

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