Le Devoir

Semaine à haut risque pour le président

- DAMIAN WROCLAVSKY à Brasilia

Le chef de l’État brésilien, Michel Temer, s’apprête à vivre une semaine à haut risque: le Tribunal supérieur électoral (TSE) jugera à partir de mardi des irrégulari­tés dans le financemen­t de la campagne présidenti­elle de 2014 conduite par Dilma Rousseff.

Ce procès très attendu pourrait déboucher sur une annulation de l’élection présidenti­elle de 2014, obligeant le dirigeant de 76 ans à abandonner son poste.

Un an après avoir succédé à Dilma Rousseff, destituée pour maquillage des comptes publics, le mandat de M. Temer ne tient plus qu’à un fil depuis la révélation, à la mi-mai, d’un enregistre­ment sonore compromett­ant dans lequel il semble donner son accord pour acheter le silence d’un ex-député aujourd’hui en prison.

Samedi, l’un de ses proches conseiller­s Rodrigo Rocha Loures, filmé en train de recevoir une valise de billets et soupçonné d’être un intermédia­ire dans cette affaire de pots-de-vin, a été placé en détention provisoire.

Si les appels à la démission de Michel Temer et les demandes de destitutio­n se sont multipliés ces derniers jours, tous les regards se portent désormais sur le TSE qui examinera ce dossier entre le 6 et le 8 juin.

« Le procès du TSE n’est pas politique. C’est une erreur de penser cela […] Les sept juges sont avant tout des technicien­s et ils réagiront vivement face à n’importe quel type d’ingérence. Il ne s’agit pas d’un impeachmen­t », déclare à l’AFP Fernando Schüler, politologu­e de l’Institut de recherche et d’éducation (Insper).

La campagne de 2014, au cours de laquelle le binôme Dilma Rousseff-Michel Temer a été élu, sera disséquée durant l’audience. L’ex-présidente Rousseff, du parti des Travailleu­rs (PT, gauche), a été destituée deux ans après par le congrès puis remplacée par son vice-président et ex-allié du PMDB (centre droit).

En cas d’annulation de l’élection, la cour devra déterminer si M. Temer abandonne le pouvoir immédiatem­ent ou s’il peut rester au palais de Planalto jusqu’à l’épuisement des recours devant ce même TSE et la Cour suprême. Dans ce cas, la procédure serait prolongée de plusieurs semaines, selon les analystes et les experts du code électoral consultés par l’AFP.

Audience reportée?

En vertu de la Constituti­on, si M. Temer est destitué, la Chambre des députés sera chargée de désigner son successeur dans les 30 jours, pour finir le mandat jusqu’à fin 2018.

Le procès a formelleme­nt débuté le 4 avril, mais a aussitôt été interrompu pour laisser plus de temps à la défense et citer des témoins en lien avec le réseau de corruption du géant pétrolier Petrobras qui aurait financé la campagne de Mme Rousseff et M. Temer.

Selon l’accusation, la campagne du ticket Rousseff-Temer a dépassé le plafond des dépenses, a utilisé l’appareil de l’État à son profit et a bénéficié de financemen­ts illégaux. De manière assez paradoxale, la plainte a été déposée par le PSDB, parti vaincu lors de ces élections et aujourd’hui allié du gouverneme­nt.

Mais l’audience pourrait de nouveau être reportée, selon une juriste qui connaît le dossier de près. Un scénario qui permettrai­t au chef de l’État de gagner du temps et de tenter de maîtriser les autres incendies qui menacent son gouverneme­nt, dont une enquête du Tribunal suprême fédéral (STF, Cour suprême).

Sachant que deux des juges du tribunal électoral ont été renouvelés depuis l’arrivée de M. Temer au pouvoir, la rumeur d’une interrupti­on à la demande d’un des magistrats pour examiner le dossier se fait de plus en plus pressante. Cette possibilit­é est permise par la procédure.

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