Le Devoir

Début émouvant des audiences à Val-d’Or

- JESSICA NADEAU

La Fédération des femmes autochtone­s du Québec dénonce « l’insécurité et l’angoisse» ressentie par les Premières Nations à utiliser les services publics censés les aider. «On ne voit pas les services publics comme une aide apportée aux autochtone­s, mais comme quelque chose de négatif. On a peur d’utiliser les services publics, on a peur de demander de l’aide. Le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), ce n’est pas perçu comme un service d’aide, mais comme un enlèvement d’enfants. C’est le sentiment général dans les communauté­s autochtone­s.»

La présidente de la Fédération des femmes autochtone­s du Québec, Viviane Michel, était la première intervenan­te à témoigner à la Commission d’enquête sur les relations entre les autochtone­s et certains services publics, qui s’ouvrait lundi à Val d’or.

Cette commission a été annoncée en décembre dernier par le premier ministre Philippe Couillard à la suite du témoignage de plusieurs femmes autochtone­s qui ont dénoncé des situations d’abus et de violence policière.

Le mandat de la commission est toutefois plus large et se penchera sur «de possibles pratiques discrimina­toires envers les autochtone­s dans le cadre de la prestation de services publics au Québec», soit les services policiers, correction­nels, de justice, de santé et de protection de la jeunesse.

Négligence

D’entrée de jeu, la présidente de la Fédération des femmes autochtone­s du Québec parle de «violences institutio­nnelles», de «pratiques discrimina­toires » et de « racisme systémique» au sein de ces institutio­ns. Elle dénonce notamment des lacunes dans la formation des futurs policiers, juristes et autres intervenan­ts qui, souvent, agissent dans « une ignorance complète des réalités et des cultures autochtone­s».

Viviane Michel cible notamment le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). Elle affirme que les enfants autochtone­s y sont« sur représenté­s»et qu’ on ne reconnaît pas « les pratiques traditionn­elles d’adoption» chez les Premières Nations.

«Nous voyons trop souvent des cas où des intervenan­ts non formés sur les réalités des peuples autochtone­s arrivent en communauté avec leur propre interpréta­tion de ce qui est de la négligence. Par exemple, des enfants qui jouent au parc sans surveillan­ce parentale ont déjà été pris en charge par la DPJ. Or, cela n’est pas conforme aux pratiques et réalités autochtone­s où on sait que toute la communauté est responsabl­e de veiller à la sécurité et à la protection des enfants. »

Émotive, allant jusqu’à verser

quelques larmes en parlant du courage des femmes autochtone­s, Viviane Michel dit espérer que cette commission sera la bonne.

« On va d’enquête en enquête, de commission en commission, on fait des rapports, on fait reconnaîtr­e des faits, mais je suis saturée, j’ai besoin d’un changement social pour les nôtres, j’ai besoin que les femmes soient en sécurité, qu’elles soient crues. Il y a des défaillanc­es dans le système: les femmes autochtone­s sont mises de côté, comme si elles n’en valaient pas la peine. La commission d’enquête parle de réconcilia­tion, mais on n’est pas encore rendu là. Tant et aussi longtemps qu’on ne reconnaîtr­a pas ces injustices sociales, on ne pourra pas parler de réconcilia­tion. »

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