Le Devoir

AUJOURD’HUI

Le Musée des beaux-arts de Montréal inaugure une vaste exposition à ciel ouvert

- JÉRÔME DELGADO

Le Musée des beaux-arts (MBAM) avait déjà son Pavillon pour la paix. Jusqu’au 29 octobre, il aura La balade pour la paix, grande exposition à ciel ouvert sur la rue Sherbrooke inaugurée lundi — malgré la pluie.

Ce «musée à ciel ouvert» a les bras, eux aussi, bien ouverts — à l’instar de Nana danseuse, sculpture de Niki de Saint Phalle postée pour l’occasion devant l’Université McGill. Étalé sur 800 mètres, entre les rues Bishop et Victoria, le parcours proposé cherche en effet à multiplier les ef fets rassembleu­rs.

La balade pour la paix fait partie de la programmat­ion des célébratio­ns du 375e anniversai­re de Montréal, portées par le thème «créer des ponts». En conférence de presse lundi, Nathalie Bondil, directrice du MBAM, a fait noter que «pour la première fois, deux grands secteurs, ceux de l’Université Concordia et de l’Université McGill, ont été réunis».

L’exposition, qui alterne sculptures (souvent monumental­es) et photograph­ies, est un grand rassemblem­ent d’esthétique­s contempora­ines, courants et périodes confondus. Soixante-douze oeuvres de 42 artistes composent le contingent.

Autre pont, tout en drapeaux: la rue Sherbrooke est devenue la nouvelle place des Nations, 50 ans après celle d’Expo 67. L’architecte paysagiste Claude Cormier signe ce corridor aérien. «Les drapeaux devaient être au-dessus de la chaussée, loin des bâtiments et des arbres, pour être vus par tous, dit-il. On célèbre Montréal, ouverte sur le monde.»

Projet fou

« Projet un peu fou » que d’occuper cette «voie historique parmi les plus achalandée­s », comme l’aura signalé Nathalie Bondil, La balade pour la paix s’inscrit dans un environnem­ent déjà aussi plutôt bien occupé.

«On voulait des oeuvres fortes, qui parlent d’elles-mêmes. Des oeuvres significat­ives au thème, pas nécessaire­ment des noms. Mais comme on cherchait des sculptures de grande échelle, ce sont souvent des artistes de réputation internatio­nale qui les font», explique la consultant­e en art public Sylvie Lacerte, qui a agi comme commissair­e du volet sculpture.

Outre l’appui de la Société des célébratio­ns du 375e, l’exposition a été soutenue par Canada 150, les fonds fédéraux amassés pour souligner le 150e anniversai­re de la Constituti­on. Ça explique la présence d’artistes de chaque région canadienne — mais seulement deux Québécoise­s (Rose-Marie Goulet et Catherine Sylvain). Le contenu québécois est surtout assumé par le volet photograph­ique, coordonné par Diane Charbonnea­u, conservatr­ice du MBAM.

Loin de Corridart

Art public et rue Sherbrooke: impossible de ne pas penser à Corridart, l’exposition censurée à la veille des Jeux olympiques de 1976. La balade pour la paix n’en fait pourtant pas mention.

Avec raison: Corridart était une expo locale, avec des artistes québécois et une problémati­que essentiell­ement montréalai­se. La propositio­n du MBAM, elle, est « d’envergure internatio­nale». La première jetait un pont vers la partie est de la ville, la seconde demeure dans l’Ouest.

La teneur très critique et urbaine de 1976 fait cette fois davantage place à un ton festif, bien que dénonciati­on et noirceur n’y soient pas exclues. Dernière différence: la balade pacifiste de 2017 n’est faite que de prêts d’oeuvres, tout le contraire de la manifestat­ion olympique, composée de pièces inédites, sauf erreur.

Des leçons ont peut-être été tirées du passé: mieux vaut faire avec, et non contre. La balade pour la paix n’a été possible qu’avec l’accord des riverains, qui ont prêté leurs espaces faussement publics — notamment l’Université McGill. L’accord de la Ville de Montréal et de ses services (stationnem­ent, police, incendies) aura aussi été nécessaire.

Deux expos en une

Il y a deux expos en une, tant les sculptures et les photos se côtoient mal. Les premières, même monumental­es, souffrent étonnammen­t de l’offre visuelle déjà vaste — y compris des sculptures permanente­s souvent anodines.

Devant le MBAM, pôle ouest de l’expo, la confusion est notoire. L’oeuvre phare Le mat totémique des pensionnat­s est concurrenc­ée par le parc de sculptures du musée. Dommage: l’oeuvre de Charles Joseph, artiste de la ColombieBr­itannique, est une des plus politisées, plongeant le Canada dans son passé trouble par rapport aux Premières Nations.

Les figures internatio­nales (Robert Indiana, Alexander Calder, Dennis Oppenheim, Wim Delvoye) donnent certes du prestige à l’ensemble. Or, il est étonnant que le musée, qui s’est souvent targué de défendre la production locale, ne le fasse pas cette fois. Un Alexandre David, avec ses sculptures fonctionne­lles, aurait très bien pu répondre à la table de piquenique de Richard Prince.

Avec les photos, le défi est autre. Si elles ont gagné, regroupées par sous-thèmes, elles se démarquent mal de toutes ces exposition­s qui poussent sur les trottoirs de multiples quartiers.

Le trait distinctif de l’expo demeure le corridor de drapeaux. Claude Cormier aura transformé la rue Sherbrooke, avec la même approche aérienne qui lui a permis de transfigur­er la rue Sainte-Catherine dans le Village gai.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR À gauche: la rue Sherbrooke se fait place des Nations, 50 ans après Expo 67. À droite: l’oeuvre Bloum)», de Niki de Saint Phalle, sera exposée devant l’Université McGill.
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NIKI CHARITABLE ART FOUNDATION / ADAGP / SODRAC «Nana danseuse (Rouge d’Orient –

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