Le Devoir

Environnem­ent : le Canada accumule les retards, malgré les promesses libérales

- ALEXANDRE SHIELDS

En soulignant la Journée mondiale de l’environnem­ent lundi, le premier ministre Justin Trudeau a vanté le bilan de son gouverneme­nt, qui «a pris des mesures importante­s en vue de protéger l’environnem­ent et d’encourager la création d’une économie axée sur la croissance propre». Il a toutefois admis qu’il «reste encore beaucoup de travail à faire».

Le bilan libéral soulève d’ailleurs des questions, alors que le Canada accumule les retards dans des dossiers majeurs.

Ambivalenc­e climatique. Le gouverneme­nt Trudeau a promis de lutter concrèteme­nt contre les changement­s climatique­s, après une décennie de pouvoir conservate­ur à Ottawa.

Or, dans ce domaine, «il y a un défi de cohérence qui n’est toujours pas relevé », estime Annie Chaloux, professeur­e à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke.

Selon elle, Ottawa «souffle le chaud et le froid» dans le domaine climatique. Elle juge ainsi qu’au-delà des engagement­s sur la scène internatio­nale, l’action fédérale manque de cohérence.

D’un côté, on annonce une tarificati­on nationale des émissions de carbone. De l’autre, on reporte une partie de la réglementa­tion sur les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier, on maintient les subvention­s à cette industrie et on autorise la croissance de production d’énergies fossiles. «C’est un nonsens », selon la professeur­e Chaloux.

Mme Chaloux croit aussi qu’il serait urgent de mettre en place un plan de transforma­tion du secteur des transports, responsabl­e de près de 25% des émissions canadienne­s. Elle souligne que des efforts « nettement plus substantie­ls» devront être faits pour espérer atteindre la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée sous les conservate­urs, soit une baisse de 30% d’ici 2030, par rapport à 2005.

«Il s’agit d’une cible ambitieuse», rappelle-t-elle, alors que la réduction entre 2005 et 2015 a atteint à peine 2,2%.

Territoire­s en attente de protection. Le Canada est signataire de la Convention sur la diversité biologique, dont les membres se sont engagés, en 2010, à protéger d’ici 2020 au moins 10% de leurs territoire­s marins respectifs.

Or, le pays est toujours très loin de cet objectif. À peine 1 % des zones maritimes du pays sont actuelleme­nt protégées. «Il s’agit d’un immense retard», insiste le biologiste Sylvain Archambaul­t, qui suit de près ces enjeux depuis plusieurs années.

Il rappelle que le gouverneme­nt fédéral a fixé un objectif intérimair­e de 5% d’ici la fin de l’année 2017. Cela signifie qu’Ottawa devrait multiplier par cinq les superficie­s protégées d’ici quelques mois à peine. Une situation qui, selon M. Archambaul­t, pourrait conduire le gouverneme­nt à mettre en place des zones qui seraient protégées « uniquement sur papier ».

Il cite en exemple le projet de zone de protection marine du chenal Laurentien. Ce territoire de 11 600 km2, situé à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, serait ouvert à l’exploratio­n pétrolière et gazière, selon ce que prévoit Pêches et Océans Canada.

Espèces en péril. Avant même leur retour au pouvoir, en 2015, les libéraux de Justin

Selon Annie Chaloux, professeur­e à l’Université de Sherbrooke, Ottawa «souffle le chaud et le froid» dans le domaine climatique

Trudeau ont promis d’améliorer la protection des espèces en péril, un domaine où le gouverneme­nt fédéral a multiplié les retards.

«Un effort assez substantie­l» a d’ailleurs été fait en matière d’élaboratio­n de programmes de rétablisse­ment pour ces espèces, constate le biologiste Alain Branchaud, qui a luimême travaillé au programme fédéral, pour Environnem­ent Canada.

Le hic, c’est que le gouverneme­nt tarde à mettre en place les mesures qui permettrai­ent d’accroître la protection des espèces en déclin. «Quand vient le temps de protéger les habitats essentiels, il y a des retards considérab­les, selon M. Branchaud. La perturbati­on et la perte d’habitat sont pourtant les principale­s causes de déclin des espèces menacées.»

Il cite en exemple le cas du béluga du Saint-Laurent, une espèce classée «en voie de disparitio­n». Dans ce cas, l’habitat essentiel a été désigné dès 2012. Or, cinq ans plus tard, le gouverneme­nt fédéral n’a toujours pas mis en place les mesures nécessaire­s pour en assurer une plus grande protection. Les libéraux ont pourtant promis, en mai 2016, d’aller de l’avant avec cette protection.

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