Le Devoir

La forêt de la « seigneurie Papineau » dorénavant protégée

- MORGAN LOWRIE

Une section de forêt pratiqueme­nt intacte qui a déjà appartenu à Louis-Joseph Papineau, près de Montebello, a été acquise du privé et est désormais protégée de tout développem­ent futur.

Conservati­on de la nature Canada (CNC) a annoncé lundi, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnem­ent, la protection de 6000 hectares — un corridor de près de 3 kilomètres sur 20 — de ce qui était à l’époque la «seigneurie Papineau», sur le territoire de Kenauk, à Notre-Dame-deBonsecou­rs, en Outaouais.

Cette région «d’une richesse écologique et historique unique » est composée d’importants milieux humides et forêts, habitats de plusieurs plantes et animaux, dont l’ours noir et le loup de l’Est, une espèce préoccupan­te selon la Loi sur les espèces en péril au Canada, indique Joël Bonin, vice-président pour le Québec de l’organisme CNC.

CNC note par ailleurs que plusieurs espèces rares au Québec se trouvent dans ce secteur, ainsi que de très belles forêts d’érable noir, une espèce vulnérable selon la Loi sur les espèces menacées ou vulnérable­s du Québec (LEMV). Les sols calcaires favorisent par ailleurs la présence d’une flore particuliè­re comptant plusieurs espèces désignées selon la LEMV, signale CNC.

«Je pense qu’on devra le faire de plus en plus dans le futur : intervenir pour maintenir » la santé de nos forêts Christian Messier, professeur au Départemen­t des sciences biologique­s de l’UQAM

Un legs de Louis XIV

Le tronçon de 60 kilomètres carrés fait partie d’un grand corridor naturel transfront­alier, précise M. Bonin en entrevue téléphoniq­ue. La nouvelle aire protégée a été acquise de propriétai­res privés grâce à une participat­ion des gouverneme­nts canadien et américain ainsi que de plusieurs donateurs privés — entreprise­s, fondations et individus. Les coûts d’acquisitio­n et d’intendance atteignent 9 millions, et Ottawa a versé environ 3,3 millions, indique CNC.

Domaine seigneuria­l légué en 1674 par Louis XIV à monseigneu­r de Laval, premier évêque du Québec, le territoire Kenauk avait été acquis en 1801 par la famille Papineau, qui l’a conservé pendant 100 ans pour chasser et prélever du bois, avant de le revendre.

Christian Messier, professeur au Départemen­t des sciences biologique­s de l’Université du Québec à Montréal et directeur de l’Institut des sciences de la forêt tempérée à l’Université du Québec en Outaouais, explique que les chercheurs pourront comparer cette forêt pratiqueme­nt intacte à d’autres qui ont subi des coupes sélectives ou des coupes à blanc, afin de comprendre comment une forêt se régénère après le passage de l’humain.

L’institut souhaite aussi déterminer si l’on peut favoriser la régénérati­on d’espèces qui sont mieux adaptées à la hausse de la températur­e et à la sécheresse, «pour s’assurer que ces forêts vont maintenir un couvert forestier en santé».

«On veut voir si l’aménagemen­t forestier pourrait être un outil pour adapter les forêts face à ces risques, et je pense qu’on devra le faire de plus en plus dans le futur: intervenir pour maintenir la santé de nos forêts», indique le professeur Messier.

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