Bon COP, bad COP !
Parmi les économistes et les analystes qui suivent le processus des réunions des conférences internationales sur le climat (les fameuses COP), j’ai été de ceux qui ont publiquement caractérisé l’Accord de Paris (la COP 21) de «coquille vide» : accord non contraignant, absence d’outils concrets pour opérationnaliser l’Accord, pas de prix sur le carbone, etc.
Pourtant, en écoutant le discours belliciste de Donald Trump annonçant le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris, les observateurs comme moi s’accrochent dorénavant à cette coquille vide comme à la dernière bouée d’un vaste naufrage. Un tiens ne valait-il pas mieux que deux tu l’auras? La théorie économique ne nous enseigne-t-elle pas qu’on met plus de valeur et d’importance sur ce que l’on perd que sur ce que l’on gagne ?
Quelles sont les principales conséquences économiques du retrait américain ?
Un mauvais « signal ». Incontestablement, le retrait des Américains implique que les nations résolument engagées devront en faire plus. Le «plus» cependant nécessaire pour compenser le siège vide est ici gigantesque. Les États-Unis sont les deuxièmes émetteurs de la planète (18 % du total), mais sont champions mondiaux pollueurs par habitant : un Américain émet 22,5 tonnes [de CO2] par an, tandis qu’un Chinois en émet 6 tonnes par an. On voit bien que l’effort des autres nations pour compenser le nonengagement des États-Unis sera monumental. Et cela, sans compter sur les nombreuses nations qui utiliseront le signal américain pour procrastiner davantage.
Une probabilité davantage diminuée d’atteindre la cible. L’Accord de Paris officialisait la cible de la réduction du réchauffement climatique à 2 degrés à terme. Cent quatre-vingt-seize pays y ont apposé leur signature en 2015, faisant culminer 20 années de négociations ardues. Avant le retrait des Américains, les engagements d’émissions des États-Unis, de l’Union européenne, de la Chine et de l’Inde ne laissaient aucune place à d’autres pays pour émettre dans un budget d’émissions limitant la hausse de température à 2°C. Selon les experts, avec cette configuration où aucune autre nation ne pouvait émettre de CO2 à part les quatre susmentionnées, nous atteignons 66% de la cible de réduction de 2 degrés. Cet objectif est aujourd’hui fortement mis à mal.
Des mesures économiques désormais encore plus draconiennes? La plupart des économistes s’entendent pour affirmer qu’il faut des taxes carbone (et méthane) substantielles pour changer les comportements des gens et des entreprises quant à leur utilisation des énergies fossiles. Au Canada seulement, le consensus se situe autour d’une augmentation d’environ 50 cents le litre d’essence pour atteindre les cibles que le Canada s’est fixées, de concert avec une fin prévue des subventions à l’industrie pétrolière et un renforcement des mesures encourageant une transition écologique vers les énergies parallèles. Le désengagement des États-Unis rend encore plus urgent, s’il en était, le recours à cette tarification agressive du carbone.
On le voit, même si en décembre 2015, à l’aune des actions concrètes, l’Accord de Paris nous apparaissait comme largement insuffisant, il fait aujourd’hui figure de symbole fort autour duquel la résistance s’organise. Qu’elle soit issue du milieu politique, du milieu des affaires ou de la société civile, une «alliance» pour le climat s’organise pour contrer les visées «nationalistes» et «protectionnistes» du président Trump et tenter de faire prévaloir le bien commun face au réchauffement irréversible de la planète.
Ironiquement, en décidant de se retirer de l’Accord de Paris, le président Trump donne l’occasion à la Chine de se refaire une réputation climatique à bon compte, en apparaissant dorénavant comme la grande puissance responsable, celle qui défend l’organisation du monde. Comme camouflet diplomatique, on ne pouvait faire mieux !