Le Devoir

Des poids lourds de plus pour soutenir le secteur

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Dix nouvelles entreprise­s et institutio­ns publiques d’envergure, y compris la Caisse de dépôt, Investisse­ment Québec et le Mouvement Desjardins, se sont officielle­ment engagées lundi à favoriser l’achat de biens et services issus de l’économie sociale. Un «signal fort», qui porte à 15 le nombre de partenaire­s du programme «L’économie sociale, j’achète», lancé en 2013.

Les dix nouveaux partenaire­s, qui s’ajoutent aux cinq organisati­ons qui avaient déjà adhéré à l’initiative (dont la Ville de Montréal, le Centre hospitalie­r universita­ire de Montréal et la Société de transport de Montréal), ont apposé leur signature au bas d’une déclaratio­n qui les engage à se tourner vers l’économie sociale lorsque vient le temps d’effectuer des achats et de distribuer des contrats.

Il s’agit d’un appui de taille pour le programme mis sur pied il y a quatre ans par le Conseil d’économie sociale de l’île de Montréal (CESIM), d’abord sous la forme d’un projet pilote.

«Ça démontre à quel point les grandes institutio­ns se préoccupen­t de la manière dont elles peuvent avoir des retombées dans la communauté. Je pense que c’est un signal très fort, soutient la directrice du CESIM, Anyle Coté. Avec tous les problèmes sociaux et environnem­entaux qu’on connaît, je pense que les grandes institutio­ns sont consciente­s de l’impact qu’elles peuvent avoir.»

Impact direct

Le programme du CESIM vise à rapprocher les grands donneurs d’ordres des entreprise­s d’économie sociale. Il met en valeur 38 compagnies différente­s provenant notamment des secteurs du textile, de l’agricultur­e, de l’impression, de la sécurité ou même de la zoothérapi­e.

Lorsque le projet pilote a pris fin en 2015, plus de 200 contrats d’une valeur de 2,5 millions de dollars avaient été octroyés. Les responsabl­es de l’initiative n’ont pas mis à jour ce bilan, mais ils sont persuadés que l’ajout de partenaire­s permettra de faire encore plus de place à l’économie sociale.

«Nous sommes déjà dotés d’une politique d’achat responsabl­e encouragea­nt l’économie sociale, a indiqué lundi Philippe Rainville, président et directeur général d’Aéroports de Montréal (ADM), l’une des dix nouvelles organisati­ons participan­t désormais au programme. Nous croyons beaucoup à l’initiative du CESIM, qui contribue à la vitalité économique des communauté­s tout en ouvrant la porte notamment à l’insertion sociale des jeunes, un aspect qui nous tient beaucoup à coeur.»

ADM a, par exemple, signé un contrat avec Formétal, une entreprise qui embauche de jeunes adultes qui ont de la difficulté à se trouver un emploi, pour fabriquer ses bacs de recyclage.

Oser grandir

L’entreprise Service d’entretien Pro-Prêt, qui participe au programme du CESIM depuis le début du projet pilote, fait partie des compagnies qui ont vu un impact immédiat sur leurs activités.

«Ça nous a permis d’aller chercher de nouveaux contrats, de nouveaux partenaria­ts, entre autres avec la Ville de Montréal», affirme Marcel Leduc, le directeur général de l’entreprise qui permet à des personnes marginalis­ées d’intégrer le marché du travail.

Pro-Prêt offre des services d’entretien ménager depuis 1988, mais jusqu’en 2013, elle obtenait presque exclusivem­ent des contrats de gré à gré.

«On n’était pas vraiment prêts à répondre aux appels d’offres. On avait plus l’habitude de répondre au téléphone et de faire des soumission­s. Le projet [du CESIM] nous a incités à aller vers cette portion du marché qu’on n’explorait pas avant, explique M. Leduc. Ça nous a incités à repenser notre manière de structurer notre organisati­on pour grandir.»

Nouvelles «clauses sociales»

Il s’agit d’un appui de taille pour le programme mis sur pied par le Conseil d’économie sociale de l’île de Montréal

Au-delà des bonnes intentions affichées par les organisati­ons privées et publiques, certaines initiative­s commencent à émerger pour permettre aux entreprise­s d’économie sociale

de décrocher des contrats publics d’envergure.

En Europe, plusieurs pays incluent des «clauses sociales» dans les appels, lesquelles permettent par exemple de favoriser les entreprise­s qui créent de l’emploi localement ou qui ont des programmes de réinsertio­n sociale. On observe également ce genre de clauses aux États-Unis, notait un rapport produit en 2009 par le CIRANO.

Lundi, lors de l’événement organisé par le CESIM, la Ville de Montréal a indiqué qu’elle étudiait la possibilit­é d’inclure des critères semblables dans ses appels d’offres.

«On sent que ça s’en vient dans la machine institutio­nnelle et privée, observe Marcel Leduc, de Pro-Prêt. Les gens commencent à comprendre l’importance de l’économie sociale, qui est un autre modèle d’économie dans la structure actuelle. »

Montréal compte plus de 3500 entreprise­s d’économie sociale, qui génèrent près de 65 000 emplois directs. Le Chantier de l’économie sociale en répertorie environ 7000 à travers le Québec, pour plus de 210 000 emplois, soit 5 % de l’emploi total dans la province.

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