Le Devoir

L’Arabie saoudite et ses alliés rompent leurs liens avec le Qatar

- IAN TIMBERLAKE DAVID HARDING à Riyad et à Doha

L’Arabie saoudite et plusieurs de ses alliés ont rompu lundi avec le Qatar accusé de soutenir le « terrorisme », la plus grave crise diplomatiq­ue à frapper le MoyenOrien­t depuis des années. Le Qatar, riche pays gazier du Golfe à la politique étrangère controvers­ée, a réagi avec colère, en accusant à son tour ses voisins de vouloir le mettre «sous tutelle» et de l’étouffer économique­ment.

Cette crise intervient deux semaines après une visite du président américain, Donald Trump à Riyad, où il a exhorté Arabes et musulmans à se dresser contre les groupes extrémiste­s et fustigé l’Iran, dont le rapprochem­ent avec le Qatar exaspère ses voisins.

Dans une apparente médiation, l’émir du Koweït, Sabah alAhmad Al-Sabah, a reçu un émissaire saoudien et s’est entretenu au téléphone avec le chef d’État du Qatar.

D’autres pays comme les États-Unis, la Russie, la Turquie et l’Iran ont appelé au dialogue pour désamorcer la crise.

L’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Yémen, l’Égypte et les Maldives ont annoncé la rupture des liens diplomatiq­ues avec le Qatar. S’y ajoutent des mesures économique­s, comme la fermeture des frontières terrestres et maritimes, les interdicti­ons de survol et des restrictio­ns sur le déplacemen­t des personnes.

Première conséquenc­e: la suspension par l’Égypte et six compagnies aériennes du Golfe des vols vers Doha. La compagnie Qatar Airways sera obligée de rallonger ses nombreuses routes vers l’Europe et les Amériques en raison de la fermeture de l’espace aérien saoudien.

Les supermarch­és vidés

La fermeture du seul accès terrestre au Qatar, via l’Arabie saoudite, influera sur les importatio­ns de biens de consommati­on, notamment de produits alimentair­es. Affolés par le blocus saoudien de facto, des habitants de Doha ont pris d’assaut les supermarch­és, où des queues se sont formées et où le lait, le riz ou le poulet ont rapidement disparu des rayons.

Pour tenter de rassurer les habitants, le gouverneme­nt a affirmé qu’il prendrait «toutes les mesures nécessaire­s pour mettre en échec les tentatives de nuire à [sa] population et à [son] économie». La Bourse de Doha a elle aussi accusé le coup, clôturant en baisse de 7,58 %.

Cette crise est la plus grave depuis la naissance en 1981 du Conseil de coopératio­n du Golfe (CCG) composé de l’Arabie saoudite, de Bahreïn, des Émirats arabes unis, du Koweït, d’Oman et du Qatar. Le Koweït et Oman n’ont pas commenté cette crise.

Le Qatar a toujours poursuivi sa propre politique régionale affirmant son influence par le sport et les médias, avec l’organisati­on du Mondial-2022 de football et la chaîne de télévision Al Jazeera, dont les bureaux à Riyad ont été fermés.

Il est accusé par ses détracteur­s de soutenir les réseaux djihadiste­s d’al-Qaïda et du groupe armé État islamique (EI), ainsi que les Frères musulmans classés «terroriste­s» par certains pays arabes.

Le Qatar est aussi accusé de soutenir «les activités de groupes terroriste­s soutenus par l’Iran dans la province [saoudienne] de Qatif » où se concentre la minorité chiite, ainsi qu’à Bahreïn. L’Iran chiite est le grand rival régional de l’Arabie saoudite sunnite, et leurs relations diplomatiq­ues sont rompues depuis 2016.

Le Qatar a par ailleurs été exclu de la coalition militaire arabe qui combat au Yémen des rebelles pro-iraniens.

« Sans fondement »

Pour le Qatar, la rupture est une décision « sans fondement » dont «l’objectif clair est de placer l’État sous tutelle». Cela est «totalement inacceptab­le», ont dit les Affaires étrangères à Doha. Le Qatar, dirigé par le jeune émir cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, « n’inter fère pas dans les affaires d’autrui» et «lutte contre le terrorisme et l’extrémisme », selon elles.

Alliée à la fois de Riyad et de Doha, Washington a invité les pays du Golfe à rester « unis ».

Les États-Unis disposent à AlUdeid, au Qatar, d’une grande base aérienne où sont stationnés 10 000 soldats américains. Cette base, siège du commandeme­nt militaire américain chargé du Moyen-Orient, est utilisée pour les raids contre le groupe EI en Syrie et en Irak.

La Turquie a proposé son aide pour désamorcer la crise, alors que les chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, et russe, Sergueï Lavrov, se sont entretenus séparément par téléphone avec leur homologue qatari. Les présidents turc, Recep Tayyip Erdogan, et russe, Vladimir Poutine, ont discuté au téléphone de la crise et appelé au dialogue pour «parvenir à des solutions de compromis».

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AGENCE FRANCE-PRESSE Le dirigeant du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani

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