Le Devoir

Appel à davantage de commémorat­ions

- JEAN-FRANÇOIS NADEAU

Le Québec devrait se doter d’un comité indépendan­t d’experts capables d’administre­r, de concert avec différente­s instances gouverneme­ntales, un calendrier annuel de commémorat­ions, «en considéran­t pour seul critère la contributi­on au récit national et à la mémoire collective». C’est ce qu’a demandé en substance lundi le Mouvement national des Québécoise­s et Québécois (MNQ) en rendant publiques ses recommanda­tions pour la mise sur pied d’une véritable «politique de commémorat­ions historique­s».

Les 6, 7 et 8 octobre, le MNQ avait coordonné ce qu’il a appelé des «États généraux sur les commémorat­ions historique­s ». Résultats de ces rencontres: onze recommanda­tions portées par la voix de sa présidente, Martine Desjardins. «On espère que ces recommanda­tions soient intégrées dans une prochaine politique culturelle », dit-elle. Elle regrette qu’il n’existe pas pour l’instant «de politique cohérente» en la matière, ce qui conduit à négliger la Journée nationale des patriotes et à célébrer ce curieux anniversai­re du 375e anniversai­re de Montréal.

Le MNQ propose notamment de «rapatrier à Québec la gestion des lieux de mémoire et des sites historique­s qui nous concernent ». Il suggère aussi de faire du Musée de l’Amérique francophon­e à Québec un nouveau centre d’histoire national inspiré du Musée d’histoire de la Catalogne.

Au nombre des propositio­ns, le MNQ plaide en outre pour l’élaboratio­n d’un « cérémonial d’État » capable de souligner les fêtes et les journées mémorielle­s. Il souhaite aussi la mise sur pied d’«un réseau officiel» de lieux voué sàl ’« interpréta­tion» de personnage­s comme Gilles Vingneault, Félix Leclerc et de premiers ministres. Bien sûr, valoriser la mémoire suppose de pouvoir compter sur de l’argent. Le MNQ espère notamment un soutien financier institutio­nnalisé pour les organismes public sou privés voués à souligner des anniversai­res préalablem­ent inscrits à un calendrier. Il voudrait aussi qu’un soutien particulie­r soit accordé au milieu du cinéma et de la télévision afin de favoriser la diffusion de l’histoire québécoise.

La démarche du MNQ en faveur d’une politique structurée des commémorat­ions s’appuie sur un «comité scientifiq­ue » composé du sociologue Jacques Beauchemin, de l’ancienne ministre Louise Beaudoin, des muséologue­s Yves Bergeron et Raymond Montpetit, du chroniqueu­r Mathieu Bock-Côté, du politologu­e Marc Chevrier, de l’historien Charles-Philippe Courtois, du généalogis­te Marcel Fournier et du directeur de L’Action nationale, Robert Laplante.

Qu’en pense le cabinet du ministère de la Culture et des Communicat­ions? Rejoint par Le Devoir, l’attaché de presse du ministre affirme que «le document est présenteme­nt en analyse. C’est un sujet vaste qui doit être envisagé dans son ensemble, avec tous les partenaire­s. Le ministère y travaille présenteme­nt».

Vive de Gaulle

Mais le MNQ n’entend pas attendre que le gouverneme­nt donne suite à ses recommanda­tions pour lancer lui-même son propre agenda de commémorat­ions. Cet été, il entend commémorer le cinquantiè­me anniversai­re de la visite du général de Gaulle et son «vive le Québec libre!». Diverses activités se tiendront en ce sens entre Québec et Montréal, tout au long du Chemin du Roy, la route empruntée par le général. Au château Frontenac, il y aura un repas spécial inspiré par le menu présenté à l’époque au président français. Le 24 juillet, un cortège de voitures refera le trajet. Un site Internet voué à cet événement sera aussi lancé. Bref, cet homme qui avait souvent les yeux plus grands que la France est célébré par ce mouvement patriotiqu­e.

Le politologu­e Guy Bouthiller est étroitemen­t associé à cette commémorat­ion à titre de spécialist­e du général de Gaulle. Pour souligner l’importance de cet homme qui avait souvent les yeux plus grands que la France, il a cité l’ancien directeur du Devoir Claude Ryan. Peu susceptibl­e de chérir un idéal indépendan­tiste, Ryan affirmait ceci en éditorial à l’annonce de la mort du général: «La vérité profonde du personnage, sa foi inaltérabl­e en la France, son amour de la liberté, l’ampleur de ses perspectiv­es, la richesse souvent prophétiqu­e de ses gestes et de son style, son désir infatigabl­e de la paix, son goût instinctif de l’équilibre, faisant de lui, avec Churchill et quelques autres, l’un des plus grands contempora­ins. » C’est l’humanité qui est en deuil, écrivait Ryan, tout en tenant à préciser qu’à son sens, le président français n’avait jamais voulu «faire la promotion du séparatism­e québécois ». Le MNQ est pour sa part ouvertemen­t indépendan­tiste.

Le MNQ mettra aussi en avant, avec la collaborat­ion de Québecor, la création de quatre courts métrages. Réalisés par Martin Cadotte, à qui l’on doit le docufictio­n Le rêve de Champlain, ces capsules de quelques minutes traiteront de l’Expo 67, de la loi 101, du général de Gaulle, et des colons Louis Hébert et Marie Rollet, celui-là répondant d’ailleurs à l’exaspérati­on de celle-ci au pays: «Chez nous, c’est ici maintenant.»

Le MNQ souhaite la mise sur pied d’«un réseau officiel» de lieux voués à l’ «interpréta­tion» de personnage­s

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