Le Devoir

Le Zoo de SaintFélic­ien ne veut plus des caribous de Val-d’Or

Le gouverneme­nt ne fera rien pour assurer la survie de la petite harde

- ALEXANDRE SHIELDS MARIE-MICHÈLE SIOUI

Le gouverneme­nt Couillard est forcé de renoncer à son projet de transférer les derniers caribous de la région de Val-d’Or au Zoo de Saint-Félicien en raison du désistemen­t de l’établissem­ent. Québec admet du même coup que cette décision sans précédent ne s’appuyait sur une aucune étude scientifiq­ue sur la viabilité des cer vidés dans leur habitat naturel.

Le Zoo de Saint-Félicien a annoncé mardi qu’il ne souhaitait plus acquérir la quinzaine de caribous de la région de Val-d’Or, malgré la décision annoncée en avril en partenaria­t avec le ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs, Luc Blanchette.

Selon ce qu’a fait valoir sa directrice générale, Lauraine Gagnon, «l’acceptabil­ité sociale n’était pas au rendez-vous». Il faut dire que l’annonce du transfert a soulevé la controvers­e, non seulement chez les groupes environnem­entaux, mais aussi de la part de certains spécialist­es de l’espèce.

Mme Gagnon a également souligné que le conseil d’administra­tion du zoo avait pris acte d’un récent rapport du Bureau d’audiences publiques sur l’environnem­ent, qui réclamait la réalisatio­n d’une «étude de viabilité» de cette harde avant l’autorisati­on de son transfert. Le Devoir avait d’ailleurs demandé au cabinet du ministre Blanchette de lui fournir l’étude scientifiq­ue sur laquelle se basait la décision gouverneme­ntale. Le cabinet a refusé de fournir quelque document que ce soit.

«Ils

vont vivre jusqu’à ce que la harde s’éteigne. Est-ce que ça va se passer dans 15, 20 ou 25 ans ? On ne le sait pas. Mais nous, on n’interviend­ra pas. Luc Blanchette, ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs

Aucune étude

Interpellé mardi à l’Assemblée nationale, le ministre Blanchette a finalement admis que son ministère n’a jamais mené d’étude scientifiq­ue avant de prendre sa décision. «Le mot étude est assurément trop fort», a-t-il dit. «J’ai utilisé le terme étude, mais il s’agissait de six scénarios dans un document interne de travail», a précisé le ministre, soulignant que ces scénarios devaient «inspirer» le gouverneme­nt «en vue d’une décision».

Luc Blanchette n’a pas voulu s’avancer sur une éventuelle publicatio­n des scénarios évalués par le ministère. Il a toutefois dit que la décision du transfert au Zoo de Saint-Félicien « était guidée par [son] désir de les protéger et d’assurer leur survie». « Je suis convaincu qu’il s’agissait du moyen le plus sûr pour favoriser leur viabilité. »

Il a aussi affirmé que le gouverneme­nt voulait du même coup répondre à une demande du zoo, qui souhaitait acquérir une harde de caribous. L’établissem­ent, qui abritait de tels cervidés depuis plusieurs années, a perdu 19 de ses 21 caribous en 2015, tous morts subitement. Le zoo a simplement répondu mardi qu’il était prêt à accueillir les animaux, si une décision de transfert était prise.

Caribous condamnés

Étonnammen­t, le ministre Blanchette a soutenu mardi qu’aucune décision de déplacemen­t des caribous vers la captivité n’avait jusqu’ici été prise de façon formelle. «C’était une intention de les transférer, et non une décision», a-t-il dit. Le gouverneme­nt a pourtant fait une annonce officielle le 22 avril dernier. Le ministre avait alors évoqué une «décision» prise dans le but « d’assurer la survie » de la harde de caribous forestiers.

Mardi, Luc Blanchette a d’ailleurs soutenu que ces animaux sont désormais condamnés à disparaîtr­e. «Ils vont vivre jusqu’à ce que la harde s’éteigne. Est-ce que ça va se passer dans 15, 20 ou 25 ans? On ne le sait pas. Mais nous, on n’interviend­ra pas.»

Le gouverneme­nt a autorisé plus tôt cette année l’entreprise EACOM à construire un chemin forestier au coeur du territoire protégé de ces caribous, malgré l’avis défavorabl­e de ses propres experts de la faune.

Un projet de mine d’or à ciel ouvert, la mine Akasaba Ouest, doit aussi voir le jour dans l’habitat des caribous de Val-d’Or. Le BAPE estime que ce projet de mine ne devrait pas être autorisé à l’heure actuelle, en raison de la «pression supplément­aire » qu’il exercera sur l’habitat « déjà fortement perturbé» des caribous. Le rapport critique aussi les «impacts majeurs» du nouveau chemin forestier de l’entreprise EACOM.

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