Le Devoir

La police autochtone sous-financée et surchargée

« Il faut que nos gens se sentent en sécurité », a plaidé la grande chef de la nation algonquine Anishinabe­g

- Le Devoir JESSICA NADEAU

Les corps policiers locaux dans les réserves autochtone­s sont sousfinanc­és, ce qui met en péril la sécurité des membres de la communauté et des policiers eux-mêmes, dénoncent des grands chefs dans le cadre de la commission d’enquête sur les relations entre les autochtone­s et certains services publics.

«Les polices locales sont sous-financées. Les policiers sont surchargés et stressés parce que les Conseils tribaux n’ont pas le financemen­t pour les payer adéquateme­nt. Certaines communauté­s n’ont même pas de police du tout. Ça fait partie des défis auxquels nous faisons face», a plaidé la grande chef de la nation algonquine Anishinabe­g, Verna Polson, qui témoignait devant le président Jacques Viens mardi.

Dans les communauté­s qui n’ont pas de poste de police local, c’est la Sûreté du Québec qui intervient, a précisé la grande chef.

«La SQ travaille avec les communauté­s, mais quand il y a une crise, ça lui prend trop de temps pour venir en aide, c’est trop long avant qu’elle puisse arriver dans les communauté­s et gérer la crise. Il faut absolument que quelque chose soit fait pour améliorer cette situation. Il faut que ce soit mis sous la loupe de la Commission. Il nous faut plus de financemen­t. Nous devons prendre soin de nos gens, il faut que nos gens se sentent en sécurité. »

À Pikogan, au nord d’Amos, en Abitibi-Témiscamin­gue, le service de police compte 5 employés pour une communauté de 600 membres.

« En raison d’un problème de sous-financemen­t, les services sont déficitair­es depuis plusieurs années et les conditions de travail ne sont pas sécuritair­es pour les employés», a déploré le chef David Kistabish, qui évoque également un haut taux de roulement dans son service.

Ce dernier évoque des « relations harmonieus­es avec le poste de la SQ » qui est appelé en renfort lorsque les policiers de Pikogan, souvent contraints de travailler seuls, ont besoin d’aide pour une interventi­on.

Le problème est d’autant plus complexe que le financemen­t des corps policiers relève à la fois du fédéral et du provincial, note le chef Kistabish. « Les critères pour recevoir du financemen­t sont difficiles à remplir, on a une entente tripartite qui vient à échéance en 2018 et rien ne nous laisse croire

que l’entente sera renouvelée. À Québec, on nous dit qu’on va s’engager si Ottawa embarquer, et vice-versa. Ils se lancent la balle tout le temps. »

Éducation

La commission Viens, qui a été instaurée en marge des allégation­s d’abus policiers sur des femmes autochtone­s à Val-d’Or, n’a pas dans son mandat de se pencher de façon spécifique sur la question de l’éducation.

Et pourtant, «c’est par là que tout commence », plaide la grande chef Verna Polson.

«Nos jeunes n’ont pas accès à une bonne éducation, et de là vient la pauvreté des gens dans nos communauté­s. Il doit y avoir un financemen­t pour une éducation de qualité, nos jeunes doivent pouvoir aller étudier et revenir dans leur communauté pour l’aider. »

À plus de 700km de là, à Wendake, la Fédération des cégeps tenait une grande rencontre sur la réussite des étudiants autochtone­s au collégial afin de mettre en commun les meilleures pratiques pour aider les autochtone­s dans leur cheminemen­t postsecond­aire.

«On a manqué le bateau ces dernières années en ce qui concerne la présence des autochtone­s dans nos institutio­ns et plusieurs préjugés demeurent», déplore Réjean Paquet, directeur des services aux étudiants au Cégep de Trois-Rivières et président du Comité sur la réussite des étudiants autochtone­s à la Fédération des cégeps.

«Les jeunes font face à plusieurs défis: déracineme­nt, perte de points de repère, difficulté­s à se trouver un appartemen­t, en plus de l’intégratio­n proprement dite au cégep, explique M. Paquet.

«Il y a le danger qu’ils se découragen­t, qu’ils se sentent seuls et abandonnés. Pour cette raison, les collèges sont de plus en plus sensibilis­és et tentent de mettre en place des mesures pour mieux les soutenir. Les cégeps ont un rôle important à jouer dans la réconcilia­tion. »

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