Le Devoir

Les promoteurs immobilier­s s’inquiètent des redevances associées au REM

- ANDRÉ BOISCLAIR Président-directeur général de l’Institut de développem­ent urbain – Québec

L’industrie immobilièr­e commercial­e que nous représento­ns applaudit la décision du gouverneme­nt du Québec de réaliser l’ambitieux projet du Réseau électrique métropolit­ain (REM) qui devrait être hautement déterminan­t pour l’avenir de la métropole québécoise. En plus d’assurer une accessibil­ité accrue depuis et vers le centre-ville, il permettra d’envisager concrèteme­nt la réalisatio­n de projets de type transit oriented developmen­t (TOD) qui créeront un dynamisme immobilier rarement égalé au Québec.

Certains de nos membres ont d’ailleurs déjà annoncé leur intention de réaliser des projets immobilier­s dans les aires TOD du REM, soit autour des futures stations du train. C’est la raison pour laquelle le système de redevance de développem­ent prévu dans le projet de loi 137 sur le REM nous interpelle au plus haut point. Et force est de constater que l’adoption de ce projet de loi, tel que libellé, soulève de nombreuses interrogat­ions sur ces redevances que devront assumer nécessaire­ment les citoyens et commerçant­s qui s’installero­nt dans les aires TOD.

Le gouverneme­nt sait que sans acheteur ou locataire, il n’y aura pas de projet immobilier; et que sans projet immobilier, aucune redevance ne sera versée. En ce sens, si les enjeux de viabilité financière des projets immobilier­s importent, ce n’est pas tant pour satisfaire les promoteurs que pour s’assurer que les projets immobilier­s correspond­ent aux besoins et moyens des futurs acheteurs et locataires.

Le projet de loi laisse entendre que le gouverneme­nt du Québec veut agir comme si le marché immobilier de la région de Montréal était similaire à celui de Vancouver ou de Toronto. Or la capacité financière des acheteurs d’unités résidentie­lles et des locataires d’espaces commerciau­x montréalai­s n’est pas du tout la même. Sans la prise en compte des moyens financiers des futurs acheteurs et locataires, il ne peut y avoir de projet immobilier viable et sans ces projets immobilier­s, aucune redevance ne sera versée. Nous estimons donc que les questions relatives au financemen­t du REM et celles relatives aux projets de l’industrie immobilièr­e commercial­e sont intimement liées.

L’industrie immobilièr­e commercial­e connaît en profondeur la situation du marché immobilier du Grand Montréal et l’IDU propose donc au gouverneme­nt du Québec de la reconnaîtr­e comme un important vecteur de réussite du REM en l’invitant à faire partie d’un comité de travail avec le ministère des Transports, la Caisse de dépôt et placement du Québec et la nouvelle Autorité régionale de transport métropolit­aine (ARTM). Ce comité devrait siéger immédiatem­ent après l’adoption du projet de loi 137 par l’Assemblée nationale, qui fixe à 90 jours le temps maximum pour définir les paramètres réglementa­ires.

Il nous faut travailler ensemble pour empêcher que, par exemple, certains promoteurs choisissen­t de construire d’abord sur des sites hors-TOD afin d’éviter les surcoûts de la redevance et les contrainte­s de développem­ent qui seront liées à l’aménagemen­t des infrastruc­tures du REM. Cela aurait plusieurs effets pervers pour le financemen­t du REM, car la constructi­on hors-TOD risque de réduire la fréquentat­ion du REM dans les premières années de mise en service. En effet, la population éloignée des points d’accès aura forcément moins d’incitatifs à l’utiliser. Les revenus provenant de l’utilisatio­n pourraient donc être réduits. S’impose donc ici la nécessité d’une applicatio­n progressiv­e des redevances.

L’IDU a identifié plusieurs autres enjeux comme l’utilisatio­n des redevances pour financer des projets de transport collectif autre que le REM, le financemen­t par les redevances d’autres frais relatifs à l’entretien ou l’exploitati­on du réseau plutôt que seulement les frais relatifs à la conception et à la constructi­on du REM, le cumul de la redevance et de nouvelles taxes projetées par des municipali­tés qui pourrait avoir des effets indésirabl­es, la perception par l’ARTM d’autres contributi­ons pour financer des services de transport collectif distincts du REM, ainsi que l’incompatib­ilité du système de financemen­t prévu par le projet de loi avec la réalité immobilièr­e du centre-ville de Montréal.

Enfin, nous rappelons que l’ARTM vient d’être créée. Si nous saluons la nomination récente de M. Pierre Shedleur à titre de président du conseil d’administra­tion de l’ARTM, nous devons souligner que ni cet organisme ni la nouvelle structure de gouvernanc­e du transport collectif métropolit­ain n’a eu l’occasion de faire ses preuves. Dans ce contexte, il faut se demander s’il est bien prudent d’accorder dès maintenant un pouvoir aussi grand pour la perception de diverses redevances.

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