Chacun son chemin
L’attitude du président américain, Donald Trump, aux sommets du G7 et de l’OTAN et le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris sur le climat ont finalement eu raison de la réserve prudente du gouvernement Trudeau. Finis les sous-entendus, le message est maintenant clair. Le Canada ne se laissera pas entraîner dans le sillage isolationniste de Washington.
Dans les mois qui ont suivi l’élection de Donald Trump, le gouvernement Trudeau s’est abstenu de critiquer directement les politiques américaines, que ce soit sur les réfugiés, sur l’environnement ou sur la justice. Invité à réagir, il se contentait d’illustrer la différence canadienne en citant ses politiques. Cette forme d’apaisement ne pouvait durer. Le retrait américain de l’Accord de Paris a fait déborder le vase la semaine dernière. Pour la première fois, Ottawa a exprimé un ferme désaccord. Mardi, dans un discours livré aux Communes, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a été plus loin.
Les intérêts d’une puissance moyenne comme le Canada, qu’ils soient commerciaux, environnementaux ou sécuritaires, exigent une architecture multilatérale solide au sein de laquelle il est possible de travailler de concert avec d’autres nations. Si les États-Unis veulent renoncer à leur leadership, le Canada, comme d’autres pays, sera heureux d’y exercer le sien.
Après la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens ont participé à la création des institutions onusiennes, de l’OTAN, de Bretton Woods, et d’un ordre mondial fondé sur des principes communs. Parce que c’était nécessaire. Les Américains eux-mêmes ont contribué la part du lion, a pris soin de souligner la ministre, et toute la communauté internationale a bénéficié des retombées de ce système. Il a besoin d’être amélioré ? Soit. Le Canada y travaillera, mais ne l’abandonnera pas.
Aux Américains tentés par le repli sur soi, elle rétorque sans ambages que c’est la «mauvaise approche», que les grands défis de notre époque, comme les changements climatiques et les menaces à la paix, exigent une réponse collective.
Mais les intérêts économiques et stratégiques du Canada passent aussi par des relations relativement bonnes avec nos voisins, la plus grande puissance du monde et notre premier partenaire commercial. Le souci de prendre ses distances sans s’aliéner cet allié explique que la ministre n’ait jamais prononcé le nom du président ni attaqué directement son gouvernement. Il fallait parler franc, mais pas au point de briser les ponts.
Par contre, il fallait aussi que le Canada fasse clairement comprendre au reste du monde qu’il ne faut pas le confondre avec ce que certains appellent l’Amérique, et surtout pas avec l’Amérique de Trump. Que si le Canada continue de travailler avec les États-Unis, il est son propre maître et a choisi de rester aux côtés du reste du monde.
Cette approche est en opposition avec la politique américaine actuelle, un fait rarissime, mais la défense vigoureuse du multilatéralisme s’inscrit dans la continuité des gouvernements canadiens qui se sont succédé depuis l’après-guerre. Seul le gouvernement Harper en a dévié, critiquant volontiers les Nations unies, tout en restant fidèle toutefois à l’OTAN et aux autres forums.
La ministre a passé sous silence plusieurs enjeux. Il faudra que le dévoilement, mercredi, de la politique de défense et, vendredi, de la politique de développement international lève le voile sur ces zones d’ombre et sur les moyens mis en oeuvre pour réaliser les objectifs fixés. Après tout, et ce n’est qu’un exemple, le budget de l’aide au développement a piétiné depuis l’arrivée des libéraux au pouvoir.
Les retombées de cette politique étrangère restent incertaines, mais sa crédibilité se mesurera finalement à l’aune des gestes posés.