Le Devoir

Mes suggestion­s à l’Académie française : adopter « crap-formalizin­g » et « immortals-outdating »…

-

Chaque année, les nouveaux mots du dictionnai­re font sensation, souvent pour les mauvaises raisons. On s’est félicité à juste titre de la consécrati­on des mots québécois «gougoune», «emportiéra­ge» et «inhalothér­apie». Mais pourquoi diable faire des mots français de «playlist» ou «showcase»? La langue française est-elle donc incapable de générer ses propres néologisme­s, sans calquer tels quels ceux de l’anglais? La question se pose d’autant plus pour des mots dont l’équivalent français s’est déjà taillé une place appréciabl­e dans l’usage. Par exemple, «divulgâche­ur» (l’action révélant un élément clé d’une intrigue) aurait normalemen­t dû nous éviter l’acceptatio­n du mot «spoiler». Cette complaisan­ce ultra-anglophile rappelle le choix désolant de l’équipe de France qui, au Championna­t du monde de hockey de mai 2016, avait tapissé ses chandails, tasses, porte-clés et autres objets dérivés du slogan «We can be heroes». Ou encore l’adoption du slogan « Made for sharing » adopté par le comité de candidatur­e de Paris pour l’organisati­on des Jeux olympiques d’été de 2024 et qui, en février dernier, s’était retrouvé en immenses lettres sur la tour Eiffel. Et que dire des bénévoles de la campagne présidenti­elle d’Emmanuel Macron qui, lors des rassemblem­ents, portaient tous au cou un carton arborant la mention «Helper», comme l’a noté le chroniqueu­r Christian Rioux ?

Mais pour en revenir au dictionnai­re, la palme de l’anglomanie rampante revient probableme­nt à «storytelli­ng» (technique de communicat­ion politique, marketing ou managérial­e qui consiste à promouvoir une idée, un produit, une marque). Qu’en pense donc notre Dany Laferrière national? Dans le même esprit, je me permettrai­s de suggérer à nos très honorables académicie­ns deux mots traduisant fidèlement une nouvelle réalité, si triste soit-elle. D’abord, «crap-formalizin­g », désignant la pratique consistant à rendre officielle­ment françaises des expression­s anglaises dont on aurait pu et dû créer les équivalent­s plutôt que de reproduire intégralem­ent le vocable anglais. Et puis «immortals-outdating», pour signifier l’urgente nécessité de mettre à la retraite certains membres de l’Académie française manifestem­ent dépassés par la situation. Christian Gagnon Montréal, le 31 mai 2017

Newspapers in French

Newspapers from Canada