Le Devoir

De futurs géants élisent domicile au pays

L’exode des entreprise­s canadienne­s est révolu, observent des investisse­urs

- KARL RETTINO-PARAZELLI

L’époque où les entreprise­s technologi­ques canadienne­s les plus prometteus­es décidaient de quitter massivemen­t le pays pour commercial­iser leurs innovation­s au sud de la frontière semble être révolue. C’est désormais ici que de futurs géants du monde de l’intelligen­ce artificiel­le veulent se développer, se réjouissen­t des investisse­urs en capital de risque réunis mardi à Montréal à l’invitation de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

«Auparavant, les talents quittaient le pays parce qu’il n’y avait pas une densité suffisante, pas assez d’entreprene­urs qui bâtissaien­t des projets ambitieux, mais je pense que ç’a changé de manière radicale», a fait valoir Jean-Sébastien Cournoyer, associé chez Real Ventures, une firme établie à Montréal et à Toronto.

«Nous ne voyons plus de firmes de capital de risque américaine­s forcer nos compagnies à s’installer aux États-Unis, parce qu’elles ont adhéré à

l’écosystème bâti à travers le pays. On n’a pas encore de compagnies multimilli­ardaires, mais plusieurs s’en viennent», a ajouté celui dont la firme finance actuelleme­nt une vingtaine d’entreprise­s dont le modèle d’affaires s’appuie sur l’intelligen­ce artificiel­le (IA) à divers degrés. Confiance et argent

Également présent dans l’Espace CDPQ de la Place Ville-Marie pour discuter de la commercial­isation des technologi­es en intelligen­ce artificiel­le, Justin LaFayette, le cofondateu­r de la firme torontoise Georgian Partners, croit lui aussi que l’IA n’est pas qu’un thème à la mode.

«Je vois parfois les médias se demander si ça va fonctionne­r au Canada, si la confiance est au rendez-vous, a-t-il dit. Je suis en première ligne pour voir que les compagnies ne manquent pas de confiance. »

«Donald Trump fait du bon travail pour nous permettre de garder notre talent ici, c’est désormais évident, mais par-dessus tout, la structure implantée au Canada joue un rôle, a pour sa part noté Alex Baker, de Relay Ventures, qui a des bureaux à Toronto et dans la Silicon Valley. Il y a probableme­nt trois fois plus de fonds au Canada aujourd’hui qu’il y en avait en 2011. » «Changer le monde»

Les investisse­urs qui se sont prononcés mardi s’entendent pour dire que l’argent ne

Il y a probableme­nt trois fois plus de fonds au Canada aujourd’hui qu’il y en avait en 2011 Alex Baker, de Relay Ventures

manque pas pour les entreprise­s qui veulent tirer profit de la recherche effectuée à Montréal et ailleurs au pays en matière d’intelligen­ce artificiel­le. Il faut donc poursuivre sur la lancée des dernières années, plaide Yoshua Bengio, le directeur de l’Institut des algorithme­s d’apprentiss­age de Montréal.

« Je pense que les chercheurs se demandent comment les algorithme­s fonctionne­nt, mais pas toujours comment on pourrait les utiliser», a-t-il admis. Selon lui, les entreprene­urs qui misent sur l’intelligen­ce artificiel­le ont aujourd’hui l’occasion de «changer le monde».

La professeur­e de l’Université McGill et codirectri­ce du Reasoning and Learning Lab, Joëlle Pineau, juge toutefois que, pour conserver sa place parmi les meneurs, le Canada doit former davantage de travailleu­rs spécialisé­s pour répondre aux besoins des compagnies nais- santes. «Le bassin de talents est là, autant au Canada qu’à l’étranger, a-t-elle souligné. Les étudiants cognent à notre porte.»

Trouver les perles rares

Selon l’investisse­ur Jean-Sébastien Cournoyer, de Real Ventures, il existe trois types de compagnies dans le domaine de l’intelligen­ce artificiel­le: celles qui créent uniquement les outils informatiq­ues, celles qui utilisent une technologi­e existante pour améliorer leur performanc­e ou personnali­ser leurs produits et finalement celles qui utilisent l’IA pour trouver une solution à un problème.

M. Cournoyer prédit que, d’ici quelques années, pratiqueme­nt toutes les compagnies entreront dans la deuxième catégorie, c’est-àdire qu’elles profiteron­t de l’intelligen­ce artificiel­le sans faire de la technologi­e la base de leur modèle d’affaires.

Le défi, prédit-il, sera donc de trouver les entreprise­s qui entrent dans la dernière catégorie, soit celles qui peuvent révolution­ner un marché de manière plus profonde.

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GRAHAM HUGUES LA PRESSE CANADIENNE Selon Yoshua Bengio, les entreprene­urs qui misent sur l’intelligen­ce artificiel­le ont aujourd’hui l’occasion de «changer le monde».

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