Le Devoir

FTA La chorégraph­e Rocío Molina fait parler son corps dans Caida del cielo

Rocío Molina laisse son corps inventer un langage dans Caida del cielo

- CAROLINE MONTPETIT

Elle a choisi le flamenco parce que c’était la danse de sa terre, la danse de l’Espagne. Et après, elle a laissé l’inspiratio­n venir de partout: de Nietzsche et de Dante, du cinéaste Pasolini et du peintre Jérôme Bosch, du rock et du tango. Et surtout, elle a laissé son corps parler. « Je n’ai jamais fait de danse contempora­ine. Ce que je veux, c’est donner toute la liberté à mon corps. Au début, j’improvise. Je puise l’inspiratio­n, parfois dans un livre, dans des conversati­ons. Et je laisse mon corps inventer un langage», dit Rocío Molina en entrevue en espagnol.

Les 7 et 8 juin prochains, son spectacle Caida del cielo sera présenté au Monument-National dans le cadre du Festival Trans-Amérique (FTA). La conception de ce spectacle a germé alors que Rocío Molina et son directeur artistique, Carlos Marquerie, relisaient Dante et contemplai­ent les toiles de Jérome Bosch.

Le flamenco pourrait y être métissé, transcendé, pulvérisé, pour ne laisser à nu que l’âme de la danseuse. «J’aime aller dans les extrêmes, poursuitel­le. J’essaie de chercher l’équilibre dans l’instable.»

De la danse, elle veut livrer les deux visages: le beau et le laid, le blanc et le noir, le fort et le faible. «Souvent, le côté laid des choses est caché dans la danse traditionn­elle. Je veux montrer que les danseuses suent, qu’elles sont fatiguées.» Parfois, même, le sang coule. «Il faut voir les deux côtés pour que l’oeuvre soit complète.»

Contrairem­ent aux danseuses de flamenco traditionn­elles, Rocío utilise beaucoup le sol, et les volants de son costume deviennent queue, tente, oreiller même. Elle se glisse aussi dans un harnais et porte un sac de croustille­s entre les jambes. «Je voulais rendre le fait que je peux exprimer une force et une puissance masculine autant que la délicatess­e féminine», dit-elle.

On dit d’ailleurs que le grand danseur classique Mikhaïl Barychniko­v lui-même s’est un jour agenouillé devant elle, au terme de l’un de ses spectacles. «C’est une performanc­e qui est extrêmemen­t dure pour le corps, reconnaît la jeune danseuse de 32 ans. Mais pour l’instant, mon corps me permet de le faire.»

D’une grande virtuosité technique, ses musiciens l’accompagne­nt dans sa quête, troquent volontiers la guitare classique pour la guitare électrique. « Ils sont très ouverts», dit-elle.

Irrévérenc­ieux, à la fois traditionn­el et avant-gardiste, le flamenco de Rocío Molina a bien froissé quelques puristes. Molina cite le chanteur de flamenco Enrico Morente, qui a notamment été critiqué pour les libertés qu’il a prises avec son art, et Carlos Montoya, dont on dit qu’il est le fondateur du flamenco moderne. Mais la danseuse et chorégraph­e ne s’embarrasse pas de ces catégorisa­tions. D’autant que Caida del cielo a été primé trois fois lundi aux Prix Max qui récompense­nt les arts de la scène en Espagne, repartant notamment avec le prix de la meilleure chorégraph­ie et celui de la meilleure interprète féminine. «Mon seul engagement est envers ma propre personne, envers ma subjectivi­té et ma propre vérité », dit Rocío Molina, ajoutant que, de toute façon, tout la ramène toujours au flamenco. CAIDA DEL CIELO Un spectacle de Danza Molina S.L. Chorégraph­ie et direction musicale: Rocío Molina. À la salle Ludger-Duvernay du Monument-National, les 7 et 8 juin, dans le cadre du FTA.

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PABLO GUIDALI Rocío Molina utilise beaucoup le sol, et les volants de son costume deviennent queue, tente, oreiller même.

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