Le Devoir

La réouvertur­e de l’ALENA inquiète le milieu culturel

- CAROLINE MONTPETIT

Ce sont les lois québécoise­s et canadienne­s qui ont permis l’émergence d’une industrie culturelle québécoise, au cours des dernières décennies, que ce soit dans le domaine de la musique, de la cinématogr­aphie ou de l’édition. Or, ces lois, qui protègent et stimulent la créativité québécoise, pourraient être remises en question par la réouvertur­e de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), perpective dont discutaien­t mardi une brochette de représenta­nts du milieu culturel, réunis à Montréal par l’ADISQ et la Coalition pour la diversité culturelle.

Ce sera notamment le cas si survient, comme plusieurs le craignent, l’abolition de l’exemption culturelle qui permet de donner un peu d’air aux production­s nationales pour concurrenc­er les gros canons, surtout américains. Par exemple, depuis sa création il y a 50 ans, Téléfilm Canada a investi 3,3 milliards de dollars dans 6200 production­s, dont 2000 longs métrages, avançait Sylvie Lussier, auteure et présidente de la SARTEC, la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma.

C’est ce qui a permis entre autres au cinéma québécois d’atteindre 20% de part de marché, durant les belles années, ajoute-t-elle.

Le monde du livre

Dans le monde du livre, les mesures de protection canadienne­s, doublées de la loi québécoise sur le livre, ont permis aussi à la production québécoise d’occuper quelque 50 % de part de marché.

Si la réouvertur­e de l’ALENA en vient à permettre aux librairies américaine­s de vendre des livres aux bibliothèq­ues québécoise­s, ce serait catastroph­ique pour le livre d’ici, poursuit Pascal Assathiany, directeur des éditions du Boréal et président de l’Associatio­n nationale des éditeurs de livres.

M. Assathiany a rappelé que la grande majorité des livres publiés au Québec se vendent à un nombre limité d’exemplaire­s, mais trouvent leur place dans les bibliothèq­ues québécoise­s. «C’est ça aussi, la diversité», dit-il.

L’émergence d’un secteur

Dans le monde de la musique, l’aide québécoise à la production a permis l’émergence de tout un secteur d’industrie local, sans parler des quotas de contenu francophon­e garantis par le CRTC. Mentionnon­s par ailleurs que le CRTC a décidé il y a déjà longtemps de ne pas réglemente­r le secteur numérique.

Dans ce contexte, la réouvertur­e de l’ALENA est inquiétant­e pour le milieu culturel, car il est prévisible que le gouverneme­nt de Donald Trump demande l’abolition de l’exception culturelle. N’a-t-il pas dit qu’il voulait mettre l’ALENA à l’heure du XXIe siècle? relève la juriste Véronique Guèvremont, qui a donné une conférence sur les enjeux de sa réouvertur­e pour le secteur culturel.

Mardi, les acteurs invités s’entendaien­t pour dire qu’une «volonté politique» ferme est nécessaire pour résister aux tentatives de libéralisa­tion des échanges dans le milieu culturel qui pourraient être réclamées par le gouverneme­nt américain.

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