Le Devoir

Pas de protection supplément­aire pour les caribous de Val-d’Or

Québec maintient un projet minier dans leur habitat naturel

- ALEXANDRE SHIELDS

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs n’entend pas renforcer les mesures de protection des caribous de Val-d’Or et n’a pas précisé mercredi s’il mènerait finalement une étude de viabilité pour ces cervidés au seuil de l’extinction. Cette étape est pourtant cruciale pour statuer sur le sort des animaux, selon des experts de l’espèce.

Le Devoir a demandé mardi au cabinet du ministre Luc Blanchette s’il comptait renforcer les mesures mises en place pour éviter la disparitio­n des derniers caribous de la région de Val-d’Or. Le cabinet a renvoyé les questions au ministère, qui a répondu mercredi qu’il maintiendr­a seulement «les actions déjà en place d’ici l’élaboratio­n de la stratégie à long terme annoncée dans le plan d’action».

Cette stratégie ne concerne toutefois pas directemen­t les caribous de Val-d’Or, mais plutôt l’ensemble des population­s de caribous forestiers du Québec. On ne sait toujours pas quand cette stratégie sera achevée et mise en applicatio­n, ni la teneur de celle-ci.

Le ministère a par ailleurs défendu la réalisatio­n du chemin forestier dont le gouverneme­nt Couillard a autorisé la constructi­on dans l’habitat protégé des caribous, plus tôt cette année.

«La pertinence du chemin est toujours justifiée afin qu’EACOM puisse avoir accès à ces volumes de garantie d’approvisio­nnement », estime le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP).

Du côté du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, on a souligné que le projet de mine à ciel ouvert Akasaba Ouest, prévu lui aussi dans l’habitat des caribous de Val-d’Or, créerait des emplois dans la région.

Étude de viabilité

Le MFFP n’a pas précisé mercredi s’il mènerait finalement une étude de viabilité pour les cer vidés, après que le ministre Luc Blanchette eut admis mardi que son ministère n’a jamais mené une telle étude avant d’autoriser le transfert des caribous vers le zoo de Saint-Félicien.

Expert de l’espèce, le biologiste Martin-Hugues St-Laurent estime que la réalisatio­n d’une étude scientifiq­ue est une étape essentiell­e pour évaluer la situation. «Il est difficile de dire s’il y a quelque chose à faire avec ces caribous. Sans analyse de viabilité, il est impossible de dire que la harde est condamnée. »

Il croit qu’il serait important d’évaluer les effets d’une restaurati­on de l’habitat très perturbé des caribous de la région, mais aussi les enjeux comme «le contrôle des prédateurs et la reproducti­on assistée ». «À la lumière des résultats, on peut ensuite mettre en place les mesures des meilleurs scénarios. »

Professeur titulaire en écologie animale à l’Université du Québec à Rimouski, M. StLaurent a d’ailleurs dirigé l’équipe qui a mené l’étude de viabilité pour les derniers caribous de la Gaspésie.

Leurs travaux scientifiq­ues ont permis de démontrer qu’avec un meilleur contrôle des prédateurs et une réduction des coupes forestière­s autour du parc national de la Gaspésie, il serait possible d’assurer la viabilité de la harde.

Marco Festa-Bianchet, qui a pris part aux travaux sur le caribou forestier du Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, juge pour sa part qu’il serait urgent de mieux protéger l’habitat des cervidés. Il doute néanmoins des chances de survie de cette petite harde et s’inquiète du sort des autres hardes de caribous forestiers du Québec. « Il faudrait développer un plan provincial de protection de l’espèce et le respecter. »

Enfin, le transfert des animaux vers une autre harde ou l’ajout de caribous dans celle de Val-d’Or n’est pas une avenue possible, selon M. St-Laurent. Non seulement la génétique des animaux est différente, mais les caribous déplacés souffrent habituelle­ment d’un faible taux de survie dans leur nouvel habitat.

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PEUPLELOUP CC La réalisatio­n d’une étude de viabilité serait une étape essentiell­e pour évaluer la situation, selon le biologiste Martin-Hugues St-Laurent.

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