Le Devoir

L’ex-patron de la SQ n’a pas reçu de commande politique

L’enquête sur les fuites au sujet de Michel Arsenault était son initiative, assure Mario Laprise

- JEANNE CORRIVEAU

L’ex-directeur général de la Sûreté du Québec, Mario Laprise, affirme que c’est de sa propre initiative, et non à la demande de l’ancien ministre de la Sécurité publique Stéphane Bergeron, qu’une enquête a été déclenchée pour cerner les fuites dans l’affaire de l’écoute électroniq­ue de l’ancien syndicalis­te Michel Arsenault.

«Il fallait que ça arrête», a expliqué Mario Laprise devant la commission Chamberlan­d jeudi.

L’ancien patron de la SQ a rappelé que, à l’automne 2013, les fuites dans les médias concernant des dossiers policiers s’étaient multipliée­s. Mais l’élément qui a déclenché une enquête fut l’obtention, par l’animateur Paul Arcand, de transcript­ions de l’écoute électroniq­ue effectuée par la SQ sur Michel Arsenault dans le cadre de l’enquête Diligence.

«Pour moi, c’est un délit. L’article 193 [du Code criminel] indique que tu n’as pas le droit de divulguer ou d’utiliser de l’écoute électroniq­ue obtenue par des autorisati­ons judiciaire­s. J’ai dit à mon équipe: “On est en train d’échapper le bébé. Ça va arrêter quand?”», a indiqué M. Laprise. Dans les heures suivant l’émission de Paul Arcand du 3 septembre 2013, il avait ordonné la tenue d’une enquête pour déterminer les sources des fuites.

Il a soutenu avoir commandé cette enquête avant même que Michel Arsenault porte plainte au ministre Stéphane Bergeron le 10 septembre 2013. Ainsi, a-t-il répété, il est faux de prétendre que le ministre a fait pression pour mener cette enquête.

Mario Laprise s’est par ailleurs défendu d’avoir lancé une « chasse aux sorcières ». Il a assuré être sensible à l’importance de la liberté de la presse. Il avait même rencontré le président de la Fédération profession­nelle des journalist­es du Québec (FPJQ), Brian Myles, pour discuter de la protection des sources journalist­iques.

Cette enquête mènera toutefois à l’obtention des registres téléphoniq­ues de six journalist­es, soit Alain Gravel, Éric Thibault, Denis Lessard, Marie-Maude Denis, Isabelle Richer et André Cédilot.

Des méthodes à la Mussolini

Témoignant en matinée, l’ex-président de la FTQ Michel Arsenault a raconté avoir été outré d’apprendre, en 2011, qu’une journalist­e avait obtenu des transcript­ions de l’écoute électroniq­ue dont il avait fait l’objet. Il avait pourtant obtenu l’assurance de la SQ que ces écoutes demeurerai­ent confidenti­elles.

« C’était indigne d’une société de droit. Que la police puisse écouter quelqu’un, je peux comprendre ça, mais qu’on remette ça à des journalist­es, je trouvais ça fort indigne. C’était des méthodes à la Mussolini et du KGB», a-t-il dit.

M. Arsenault s’était plaint à la SQ. Mais deux ans plus tard, alors qu’il accordait une entrevue à Paul Arcand, l’animateur lui avait demandé de commenter des transcript­ions d’écoute électroniq­ue qu’il avait en sa possession.

« C’était rendu insoutenab­le pour moi et ma famille. On me reliait au crime organisé. On disait que j’étais responsabl­e du plus gros réseau de blanchimen­t d’argent au Québec, a expliqué M. Arsenault. Durant cette période-là, on a sali allègremen­t ma réputation. »

Ayant appris que sa première plainte n’avait pas donné lieu à une enquête, Michel Arsenault avait alors exhorté le ministre Stéphane Bergeron à ouvrir une enquête.

Celle-ci sera finalement abandonnée.

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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR Mario Laprise

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