Le Devoir

Le commissair­e au lobbyisme s’impatiente

La transparen­ce ne peut se contenter de belles paroles, dit François Casgrain

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Le commissair­e au lobbyisme, François Casgrain, en a marre de voir le projet de loi sur la transparen­ce en matière de lobbyisme accumuler de la poussière sur une tablette.

Au dépôt jeudi matin de son rapport sur les amendement­s proposés au projet de loi 56, il a exhorté le gouverneme­nt Couillard à adopter une nouvelle loi avant les élections de 2018, sans quoi ses prétention­s sur l’éthique et la transparen­ce ne seront que cela : des prétention­s.

« On ne peut pas être uniquement pour l’éthique, on ne peut pas être pour la transparen­ce sans que nos actions aillent dans le sens de ce qu’on dit », a insisté le commissair­e Casgrain.

Le projet de loi 56 a été déposé en juin 2015. Il vise à «assurer la transparen­ce des activités de lobbyisme». Il rencontre notamment de la résistance de la part des organismes à but non lucratif (OBNL), puisqu’il prévoit dans sa forme actuelle qu’ils soient désormais tous assujettis à la loi sur le lobbyisme.

Selon la ministre responsabl­e du dossier, Rita de Santis, cette pomme de discorde explique le long cheminemen­t du projet de loi — qui n’a toujours pas fait l’objet d’étude détaillée ou de consultati­ons particuliè­res. Les élus ne se sont «pas assis sur [leurs] mains », a-t-elle assuré. «Je n’ai pas une date pour vous aujourd’hui, mais je peux vous dire qu’on travaille là-dessus», a-t-elle martelé quand on lui a demandé si le projet de loi risquait de mourir au feuilleton l’an prochain, au déclenchem­ent des élections.

Des lois attendues

François Casgrain, qui prendra sa retraite le 30 juin, a profité de son passage devant la presse pour dénoncer la paralysie d’un autre projet de loi, aussi piloté par la ministre De Santis. «Je sais que, [de la part des] journalist­es, il y a une autre loi qui est aussi attendue depuis longtemps, c’est la révision de la Loi sur l’accès [à l’informatio­n], a-t-il souligné. Mais ce sont évidemment des lois qui visent à favoriser un accès à l’informatio­n, à la transparen­ce, à favoriser un sain exercice des activités qui se font auprès des titulaires de charges publiques lorsque l’on tente de les influencer.»

La même journée, la Ligue des droits et libertés a dévoilé un rapport auquel elle a participé, et qui confirme ses craintes quant à l’atteinte du projet de loi 56 sur la liberté d’associatio­n des groupes communauta­ires et citoyens. «La volonté de forcer l’inscriptio­n dans un registre public de l’ensemble des personnes qui exercent des activités de représenta­tion politique, et ce, sans rémunérati­on comme lobbyiste, est un contrôle systématiq­ue des activités émanant de la liberté d’associatio­n des OSBL [organismes sans but lucratif] », note l’étude, cosignée par la Table des regroupeme­nts provinciau­x d’organismes communauta­ires et bénévoles et le Service aux collectivi­tés de l’UQAM.

François Casgrain le reconnaît dans son rapport. «Cette approche qui prône la transparen­ce des communicat­ions d’influence pour l’ensemble des personnes intervenan­t pour le compte d’OBNL présente des inconvénie­nts certains, surtout pour les petits organismes communauta­ires de base intervenan­t directemen­t auprès des personnes», a-t-il noté. Selon lui, il n’est pas «approprié » de poursuivre dans la voie suggérée par le gouverneme­nt.

Le commissair­e suggère plutôt la mise en place d’un régime simplifié d’inscriptio­n au registre des lobbyistes et l’exclusion de certains OBNL, comme ceux qui offrent.

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