Le commissaire au lobbyisme s’impatiente
La transparence ne peut se contenter de belles paroles, dit François Casgrain
Le commissaire au lobbyisme, François Casgrain, en a marre de voir le projet de loi sur la transparence en matière de lobbyisme accumuler de la poussière sur une tablette.
Au dépôt jeudi matin de son rapport sur les amendements proposés au projet de loi 56, il a exhorté le gouvernement Couillard à adopter une nouvelle loi avant les élections de 2018, sans quoi ses prétentions sur l’éthique et la transparence ne seront que cela : des prétentions.
« On ne peut pas être uniquement pour l’éthique, on ne peut pas être pour la transparence sans que nos actions aillent dans le sens de ce qu’on dit », a insisté le commissaire Casgrain.
Le projet de loi 56 a été déposé en juin 2015. Il vise à «assurer la transparence des activités de lobbyisme». Il rencontre notamment de la résistance de la part des organismes à but non lucratif (OBNL), puisqu’il prévoit dans sa forme actuelle qu’ils soient désormais tous assujettis à la loi sur le lobbyisme.
Selon la ministre responsable du dossier, Rita de Santis, cette pomme de discorde explique le long cheminement du projet de loi — qui n’a toujours pas fait l’objet d’étude détaillée ou de consultations particulières. Les élus ne se sont «pas assis sur [leurs] mains », a-t-elle assuré. «Je n’ai pas une date pour vous aujourd’hui, mais je peux vous dire qu’on travaille là-dessus», a-t-elle martelé quand on lui a demandé si le projet de loi risquait de mourir au feuilleton l’an prochain, au déclenchement des élections.
Des lois attendues
François Casgrain, qui prendra sa retraite le 30 juin, a profité de son passage devant la presse pour dénoncer la paralysie d’un autre projet de loi, aussi piloté par la ministre De Santis. «Je sais que, [de la part des] journalistes, il y a une autre loi qui est aussi attendue depuis longtemps, c’est la révision de la Loi sur l’accès [à l’information], a-t-il souligné. Mais ce sont évidemment des lois qui visent à favoriser un accès à l’information, à la transparence, à favoriser un sain exercice des activités qui se font auprès des titulaires de charges publiques lorsque l’on tente de les influencer.»
La même journée, la Ligue des droits et libertés a dévoilé un rapport auquel elle a participé, et qui confirme ses craintes quant à l’atteinte du projet de loi 56 sur la liberté d’association des groupes communautaires et citoyens. «La volonté de forcer l’inscription dans un registre public de l’ensemble des personnes qui exercent des activités de représentation politique, et ce, sans rémunération comme lobbyiste, est un contrôle systématique des activités émanant de la liberté d’association des OSBL [organismes sans but lucratif] », note l’étude, cosignée par la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles et le Service aux collectivités de l’UQAM.
François Casgrain le reconnaît dans son rapport. «Cette approche qui prône la transparence des communications d’influence pour l’ensemble des personnes intervenant pour le compte d’OBNL présente des inconvénients certains, surtout pour les petits organismes communautaires de base intervenant directement auprès des personnes», a-t-il noté. Selon lui, il n’est pas «approprié » de poursuivre dans la voie suggérée par le gouvernement.
Le commissaire suggère plutôt la mise en place d’un régime simplifié d’inscription au registre des lobbyistes et l’exclusion de certains OBNL, comme ceux qui offrent.