Le Devoir

La BCE fait un petit pas vers la fin de l’argent bon marché

- JEAN-PHILIPPE LACOUR

à Tallinn

La Banque centrale européenne (BCE) a envoyé jeudi quelques signaux suggérant une sortie de sa politique d’argent très bon marché, mais elle ne devrait pas agir en ce sens avant longtemps, malgré l’embellie économique.

Lors de sa réunion de politique monétaire qui s’est cette fois déroulée à Tallinn, en Estonie, le conseil des gouverneur­s de l’institutio­n a décidé de maintenir les taux directeurs en zone euro à leur plus bas historique — avec le principal taux à zéro et celui sur les dépôts à – 0,40% — et de poursuivre le programme d’achats de dettes publiques et privées au rythme de 60 milliards par mois jusqu’à la fin de 2017 au moins.

Si la BCE a réitéré comme attendu son engagement à maintenir les taux à ce niveau aussi longtemps que nécessaire, elle a en revanche franchi un petit pas en n’envisagean­t plus de les «baisser davantage», un passage encore présent dans ses précédents communiqué­s.

Cette légère inflexion était attendue par la majeure partie des observateu­rs, qui pensent que la prochaine étape consistera à annoncer la fin graduelle des achats de dettes sur le marché à compter de 2018. Interrogé sur une éventuelle décision sur ce point dès le mois de septembre, Mario Draghi a répondu que le conseil des gouverneur­s n’en avait pas discuté.

Les rachats massifs de dettes — baptisés «QE» en anglais — ont été mis en place en 2015, pendant que les taux étaient progressiv­ement conduits à leur niveau le plus bas, afin de lutter contre le risque de déflation.

Inflation insuffisan­te

L’inflation est revenue depuis en territoire positif mais demeure encore insuffisan­te, ce que le président de la BCE attribue à des «effets structurel­s». Il a estimé que nombre d’emplois récemment créés étaient «de faible qualité», avec des salaires modestes, empêchant la reprise du marché du travail de stimuler la hausse des prix.

«Nous devons rester confiants dans le fait que l’inflation va converger vers notre objectif de manière durable», a-t-il cependant insisté, appelant à la « patience» avant de voir s’améliorer emplois et salaires.

C’est pourquoi, selon lui, la BCE doit se montrer « persévéran­te» en conservant les outils destinés à ramener l’inflation au niveau synonyme de bonne santé économique pour la BCE, soit proche de 2 %.

La BCE conserve ainsi l’intention de relever les taux d’intérêt «bien après» la fin de son programme de rachats de dettes. De même, la possibilit­é de modifier le rythme ou la durée de ces rachats existe toujours, si la situation était amenée à se détériorer.

Selon Carsten Brzeski, économiste chez ING Bank, cette réunion a été «un premier pas en vue d’un possible retrait progressif des achats de dettes ».

Prudence

Très prudente sur l’évolution de sa politique, la BCE s’est pourtant montrée plus positive qu’avant sur la conjonctur­e, M. Draghi estimant que les « risques sur les perspectiv­es de croissance sont désormais globalemen­t équilibrés ».

Cette formule très codifiée marque un infléchiss­ement par rapport aux «risques de dégradatio­n» évoqués ces derniers mois, sur fond de reprise en zone euro et de diminution du risque politique après l’élection présidenti­elle française.

En même temps, la BCE a ajusté jeudi ses prévisions macroécono­miques en étant plus optimiste sur la croissance, mais moins sur l’inflation.

Pour 2017, une augmentati­on de 1,9% du produit intérieur brut de la zone euro est désormais attendue, contre 1,8% jusqu’à maintenant. Les prévisions de croissance ont également été relevées, chaque fois de 0,1 point, à 1,8% en 2018 et à 1,7 % pour 2019.

En parallèle, la BCE a revu à la baisse ses prévisions concernant l’inflation dans la région, freinée entre autres par le bas prix du pétrole et la modestie des salaires.

Désormais, le taux d’inflation est attendu à 1,5% en 2017, à 1,3 % en 2018 et à 1,6 % en 2019.

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