Le Devoir

Les municipali­tés doivent adopter la norme internatio­nale anticorrup­tion

- ANNIE TRUDEL Spécialist­e en matière d’anticorrup­tion RÉMY TRUDEL Ex-ministre des Affaires municipale­s et professeur invité à l’École nationale d’administra­tion publique

Etienne Plamondon Emond, dans Le Devoir du 31 mai, se demandait si les lanceurs d’alerte étaient bien protégés. Il analysait ensuite l’efficacité de la loi 87 sur la protection des lanceurs d’alertes en abordant notamment la question de la confiance dans les mécanismes d’applicatio­n de cette loi.

Dans le même sens, Richard Perron, le président du Syndicat des profession­nelles et profession­nels du gouverneme­nt du Québec (SPGQ), a indiqué qu’il comptait inviter ses membres à s’adresser directemen­t à la protectric­e du citoyen afin de minimiser les possibilit­és de représaill­es. Dans la foulée, le président du Syndicat profession­nel des scientifiq­ues à pratique exclusive de Montréal (SPSPEM), André Émond, et Rodolphe Parent, de la Ligue d’action civique, s’inquiètent du manque de protection dont bénéficie le monde municipal et du fait que la corruption peut «se produire autrement que par l’entremise des contrats publics ».

Nous retenons de ces propos que notre société souffre d’un manque de confiance généralisé. Ce sentiment largement répandu mine la crédibilit­é de la fonction publique, et ce, depuis plusieurs années. Le Québec tente désespérém­ent de trouver des solutions. Des unités d’enquête ont été créées, les commission­s se sont multipliée­s — tout comme les scandales —, des formations toutes plus créatives les unes que les autres ont été offertes, des diagnostic­s, des états de situation, des rapports et des mémoires ont été produits en quantité industriel­le. Des analyses de risques étoffées sont en préparatio­n, et pourtant, leur efficacité n’est toujours pas démontrée. Et surtout, des millions à même les deniers publics sont dépensés pour trouver des solutions. Des deniers publics, devons-nous rappeler.

Prévenir avec la seule norme anticorrup­tion reconnue internatio­nalement

L’Organisati­on internatio­nale de normalisat­ion (ISO) est un organisme formé de représenta­nts d’associatio­ns, d’organisati­ons privées, de gouverneme­nts, de chercheurs et d’organismes à but non lucratif (OBNL) qui réfléchiss­ent sur des normes applicable­s afin de donner au public l’assurance de la qualité et de l’intégrité des processus.

À cet égard, la nouvelle norme ISO 37001 anticorrup­tion s’avère une solution qui est de nature à prévenir la corruption. Les pratiques promues par ISO 37001 impliquent que les organismes qui s’y soumettent implantent des processus pour éliminer les conflits d’intérêts et engagent l’organisati­on à considérer tous les signalemen­ts, à enquêter sur ceux-ci, à protéger les dénonciate­urs, à déposer des recommanda­tions, à assurer une reddition de comptes et surtout à assurer une améliorati­on continue en effectuant des audits et en dressant des bilans annuels.

De plus, ISO fait la promotion de la fiabilité et de la confidenti­alité. Les détenteurs de charge publique doivent assumer leur responsabi­lité et démontrer à la population qu’ils ne se défilent pas et qu’ils prennent toutes les mesures requises pour lutter contre la corruption avec l’adoption des meilleures pratiques.

Nous devons considérer la corruption comme un fléau mondial, au même titre que les maladies, la pollution et la pauvreté. La corruption nécessite un remède. Et si ce remède est proposé par plus de 80 spécialist­es représenta­nt plus de 50 pays, il mérite d’être considéré comme une solution, et non comme un outil de propagande politique.

Les organes de certificat­ion se doivent de faire preuve de rigueur. Ainsi, il est exigé que les mesures mises en place par les organisati­ons soient testées. De 9 à 12 mois d’applicatio­n des nouvelles mesures anticorrup­tion sont préalablem­ent nécessaire­s avant que les organisati­ons se soumettent à l’audit de certificat­ion effectué par des spécialist­es indépendan­ts et internatio­nalement reconnus. Plusieurs organisati­ons, publiques comme privées, ont déjà entrepris l’implantati­on de la norme ISO 37001. Au Québec, nous pouvons nous attendre à des certificat­ions à partir de l’automne 2017. Bien sûr, une course contre la montre est entamée à savoir qui sera le premier à recevoir la certificat­ion. Mais attention, ce n’est pas une question de temps, mais plutôt de qualité.

La norme ISO peut protéger les municipali­tés écartées de la loi 87

Le Québec a eu le privilège de recevoir récemment les coauteurs de la norme ISO 37001 anticorrup­tion. C’est dans ce contexte que déjà, les maires de deux municipali­tés, LouisCharl­es Thouin, de Saint-Calixte, et Jean Dumais, de Saint-Colomban, faisant preuve de clairvoyan­ce, ont annoncé l’applicatio­n de la norme dans leur ville. Ces maires à l’avantgarde de la prévention en matière de corruption ont amorcé le processus visant l’instaurati­on des meilleures pratiques internatio­nales. Elles leur permettron­t de démontrer à toute la population que celle-ci peut recommence­r à avoir confiance en leur administra­tion municipale. Pour le mieux-être de notre société, il importe de prendre toutes les mesures nécessaire­s afin de redonner aux Québécois un sentiment de fierté à l’égard de leur administra­tion publique à l’ordre municipal comme national.

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