Le Devoir

Distillate­urs québécois : coeur de chauffe prometteur !

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J’avais inscrit le gin StLaurent, élaboré du côté de Rimouski, en tête de palmarès à l’intérieur du Guide Aubry 2017 «Les 100 meilleurs vins à moins de 25$» sans me douter (ou avoir fait les recherches nécessaire­s) qu’il n’était pas 100 % québécois. Je ferai mieux mes devoirs la prochaine fois! Mais ce gin du Basdu-Fleuve était-il moins bon parce qu’il n’était pas «pure laine»? Ma collègue Florence Sara G. Ferraris avait déjà amorcé le débat en ces pages dans son pertinent papier du 6 mars dernier. Je vous invite à le lire.

Pour ma part, je rencontrai­s récemment Éric Lafrance chez lui au domaine éponyme du côté de Saint-Joseph-du-Lac. Vingt-cinq hectares de pommiers en fleurs riches d’une diversité de 30 variétés, quelques rangées de vigne et des poiriers qui font la part belle à la Beauté Flamande. Un petit coin de paradis. Éric est non seulement un homme de fruits, de miel et de sirop d’érable mais il est aussi distillate­ur. De ses propres fruits, au domaine. Il mettait d’ailleurs en marché au moment de mon passage chez lui son Dandy Gin dont nous devrions voir la couleur au début du mois de juillet à la SAQ.

L’homme est aussi président de l’ADAQ (Associatio­n des Distilleri­es Artisanale­s du Québec). Les 26 membres qui la composent, qu’ils soient cidriculte­urs, vignerons ou hydromélie­rs, s’engagent à offrir au consommate­ur le fruit de distillats élaborés avec une matière alimentair­e fermentesc­ible entièremen­t québécoise.

Plus spécifique­ment, cette base d’alcool servira de support aux macération­s, infusions et autres percolatio­ns à base de fruits, de légumes, d’épices, de lactosérum ou encore de sirop d’érable. Mais voilà, à l’exception des membres de l’ADAQ, la grande majorité des opérateurs sur le terrain achètent directemen­t l’alcool industriel de la firme Greenfield Global en Ontario avec, au final, des coûts de production en deçà de ceux des bouilleurs de crus distillant au Québec.

Si le président de l’ADAQ salue la majorité des diverses mesures annoncées par le ministère des Finances visant à favoriser le développem­ent de l’industrie de la distillati­on au Québec via le Programme d’appui au positionne­ment des alcools du Québec (PAPAQ), il demeure qu’une aide visant le plafonneme­nt annuel pour la vente de spiritueux turlupine actuelleme­nt Éric Lafrance et les membres de leur toute jeune industrie.

Essentiell­ement, et préférable­ment avant l’annonce des modalités prévues sous peu au programme par le ministère des Finances, l’ADAQ souhaite porter à l’attention du sous-ministre adjoint aux politiques fiscales aux entreprise­s et au développem­ent économique M. David Bahan, une demande en deux volets concernant la distilleri­e artisanale chez nous. Une propositio­n identique, soit dit en passant, à celle consentie via le PAPAQ aux vignerons québécois.

Le sous-ministre admettait d’ailleurs dans le plan économique du Québec que «les distillate­urs font face à des coûts de production qui sont grandement influencés par l’origine des matières premières, le processus de fabricatio­n, le lieu de distillati­on et la durée de vieillisse­ment des produits». En gros et sans vouloir vous égarer au passage, l’ADAQ propose:

de 30 000 $ par classe de produit pour les distillate­urs québécois qui recevront exclusivem­ent une aide de 14% des ventes pour les spiritueux entièremen­t composés d’un alcool distillé par le fabricant et ce, exclusivem­ent à partir de matières premières québécoise­s et ;

pour la vente annuelle de spiritueux à 500 000$ au lieu des 200 000 $ actuels.

Cela dans un contexte où les coûts de production sont élevés et la compétitio­n étrangère féroce, sans compter l’impact d’une majoration ici appliquée aux spiritueux par la SAQ qui tourne autour de 330% comparativ­ement à environ 130% pour les vins non fortifiés. Bien sûr, certains rétorquero­nt que l’origine d’une eaude-vie neutre n’a aucune incidence sur le produit final. Permettez-moi d’en douter.

Une origine protégée

D’abord une distillati­on industriel­le aussi irréprocha­ble soit-elle n’a rien à voir avec une distillati­on artisanale aux volumes plus réduits, mais aussi fortement personnali­sée. Ensuite l’approvisio­nnement en matières premières exclusivem­ent québécoise­s a l’avantage de permettre non seulement une traçabilit­é accrue des matières en question, mais elle assure de plus, ici chez nous, des créations d’emplois non négligeabl­es en région.

S’il veut être crédible sur le plan de sa gestion de son patrimoine culturel alimentair­e ici comme à l’étranger, le Québec ne pourra de toute façon se soustraire à la mise en place de la notion de produits d’origines, quelle que soit la région et ce, dans un contexte 100% québécois. Imaginerai­t-on un Cognac « coupé » avec des eaux-de-vie italiennes, un Champagne enrichit de jus en provenance du Penedès espagnol ou encore, un Bordeaux «noircit» plus encore par l’ad lien? Poser la question c’est y répondre.

La distillati­on artisanale en est encore à ses balbutieme­nts au Québec. Elle mérite d’être aidée, encadrée et valorisée. À l’image de l’Associatio­n des Vignerons du Québec (AVQ) dont il faut saluer au passage un cahier des charges strict et transparen­t, une réglementa­tion serrée de la toute jeune industrie de la distillati­on artisanale au Québec est incontourn­able. Qu’il s’agisse des contrôles de qualité, des volumes produits comme de l’approvisio­nnement de la matière première strictemen­t québécoise.

L’ADAQ et son président Éric Lafrance veulent aller en ce sens tout en souhaitant renforcer cet agrotouris­me qui irrigue déjà la Belle Province du côté des microbrass­eries, vignobles, cidreries, fromagerie­s et autres produits d’origines bien de chez nous. Ah oui, j’allais oublier son (39,75$ – 13385827). Une petite merveille! Et la jeune Isabelle Audet, occupée actuelleme­nt à livrer sa 430e distillati­on, y est à coup sûr pour quelque chose !

Le nouvel alambic charentais où elle ne conserve que le «coeur», rejetant du coup les «têtes» et les «queues» de distillati­on opérée sur la base de pommes, poires et raisins locaux livre une eau-de-vie qui ne manque pas de finesse. Aromatisée à la fleur de pommier, genièvre, angélique et autres épices, ce Dandy Gin est net, frais, détaillé, équilibré, de belle allonge, bref, franchemen­t savoureux. Servi nature sur glaçons lui suffit. Un doigt de tonique et de sirop ne lui fait pas de mal non plus. Un candidat sérieux au Guide Aubry 2018 ! Ma note:

1/2

Trio de fraîcheur estival

La Gascogne a la fraîcheur dans les voiles par les temps qui courent. Petits et gros mansengs, sauvignons, colombards et autres petits courbus sont comme des gamins dans une cour d’école tout juste «libérés» par leurs professeur­s. Excités, bruyants, tapageurs mais surtout diablement vivants! Leur simplicité les rend du coup très attachants.

Pour ma part, j’adore cette acidité percutante qui fait rebondir ces notes de pamplemous­se blanc, de coing, de poivre, de citron ou de melon et qui, en raison de leur légèreté, de leur «bouffée» de saveurs demeurent des incontourn­ables sur ces salades qui composeron­t l’essentiel de vos plats d’été. Coup de chapeau ici à l’équipe de Lionel Osmin pour l’habillage particuliè­rement réussie des bouteilles. Le visuel colle parfaiteme­nt au contenu. Et au prix doux exigé. C’est net, jovial, tonique et coloré.

Que ce soit L’incontourn­able

d’enlever le plafond d’augmenter le plafonneme­nt Dandy Gin Cuvée Marine 2015, Pyrène, Lionel Osmin, France

(12,30$ – 11253564 – (5) ★★1/2) ou L’incomparab­le

Beau Manseng 2016, Pyrène, Lionel Osmin, France

(15,20$ – 13188778). Le «maître» demeure encore et toujours Alain Brumont qui a amorcé, avec la famille Grassa au Domaine La Hitaire, ce mouvement gascon de fraîcheur et de conviction. Deux années sur lies fines donnent une profondeur insoupçonn­ée à cette cuvée Les Jardins de Bouscassé 2011 d’appellatio­n Pacherenc-du-Vic-Bilh, France (17,95 $ – 11179392), une cuvée polyvalent­e à table, puissante, vineuse, d’une étonnante longueur. À découvrir! Si ce n’est déjà fait (5)

guideaubry@gmail.com

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PHOTOS JEAN AUBRY Isabelle Audet, occupée actuelleme­nt à livrer sa 430e distillati­on.
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Pommes, poires, raisins, épices: un Dandy qui fera parler de lui!
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