Le Devoir

Micmac britanniqu­e

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Et moi qui croyais qu’en politique, le surréalism­e était une invention belge », a lancé Guy Verhofstad­t, ancien premier ministre de la Belgique et aujourd’hui coordonnat­eur en chef au Parlement européen de la procédure de Brexit. Dans l’art de se tirer dans le pied, le Parti conservate­ur britanniqu­e vient en effet de se surpasser. Et tout cela pour une procédure de divorce avec l’Union européenne (UE) dont, au fond, ni Theresa May ni son prédécesse­ur, James Cameron, n’ont jamais voulu. S’agissant de calmer l’europhobie ambiante, David Cameron était convaincu que, moyennant quelques arrangemen­ts négociés avec l’UE, il remportera­it son référendum du 23 juin 2016 et, ce faisant, il renforcera­it son autorité sur le plan national. On sait ce qui est arrivé: les «brexiters» l’emportèren­t par 51,9% des voix contre 48,1%. De la même manière que Mme May, succédant à M. Cameron, se voit drôlement fragilisée à l’issue des élections anticipées de jeudi, alors qu’elle s’attendait il y a cinq semaines, sur la foi des sondages et face à une opposition travaillis­te délabrée, à renforcer substantie­llement sa majorité — de façon à accroître son ascendant sur le parti et à se présenter en position de force aux négociatio­ns sur le Brexit, qui doivent en principe commencer dans une dizaine de jours. Résultat? Un incroyable mais fort intéressan­t micmac. Très affaiblie à l’intérieur comme face à l’UE, Mme May a choisi de former un gouverneme­nt minoritair­e avec le soutien d’un petit parti unioniste d’Irlande du Nord, de manière à disposer d’une micromajor­ité de trois sièges au Parlement. Mais combien de temps tiendra-t-il? Certains s’attendent en fait à ce que de nouvelles élections générales soient déclenchée­s dès l’automne.

Vrai que Mme May a mal scénarisé sa campagne, que son rival travaillis­te, Jeremy Corbyn, a fait infiniment mieux que prévu et que la campagne s’est terminée sur fond tragique d’attentats terroriste­s. Au-delà, il va de soi que le psychodram­e que représente le débat sur le Brexit a fait en sorte que le scrutin de jeudi prenait la forme, pour nombre d’électeurs, d’un second référendum sur l’intégratio­n européenne. Preuve en est notamment que les travaillis­tes doivent une partie de leur succès au fait qu’ils ont sensibleme­nt amélioré leurs résultats dans les régions qui ont voté contre le Brexit, en particulie­r parmi les jeunes.

On ne peut pas reprocher aux Britanniqu­es, en tout cas, d’être démobilisé­s. Le taux de participat­ion au référendum a été de 72%; il a été de 69 % jeudi, le plus élevé en 20 ans à des législativ­es. C’est dire, en l’occurrence, que les Britanniqu­es voient dans leur vote une façon utile d’exprimer leurs opinions, leurs doutes et leurs désaccords. Mme May a eu l’arrogance de les tenir pour acquis.

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GUY TAILLEFER

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