La justice qui n’a pas de prix
Le cabinet NOVAlex donne une heure gratuite par heure facturée
Le Québec regorge d’entrepreneurs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnaires, dont les ambitions pourraient transformer votre quotidien. Aujourd’hui, un avocat qui compte ses heures pour les bonnes raisons.
Au secondaire, Ryan Hillier rêvait de devenir soit procureur de la Couronne, soit urgentologue. «J’avais l’impression que ça me permettrait de sauver des vies», se souvient-il. Aujourd’hui, il s’est en quelque sorte donné les moyens de réaliser son ambition de jeunesse.
Devenu avocat à seulement 21 ans, Ryan a commencé sa carrière en menant une double vie. Le jour, il travaillait dans de grands cabinets, et le soir, il donnait de son temps pour appuyer différentes causes.
«Pendant plusieurs années, ça a été ça, ma vie, raconte cet ancien président de la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Et à un certain moment, je me suis dit qu’il fallait que je trouve un concept qui me permettrait de mettre mes compétences d’avocat au bénéfice de tout le monde.»
Il suffira d’une discussion de quelques minutes dans un bar de Montréal pour convaincre une autre avocate, Sophie Tremblay, de créer avec lui un cabinet nouveau genre, NOVAlex.
Faire tomber les barrières
Fondé en septembre 2016, NOVAlex offre des services juridiques en droit des
affaires, comme la plupart des grands cabinets du centre-ville. La différence, c’est que, pour chaque heure facturée à un client, le cabinet offre une heure de service juridique gratuite à des individus à faibles revenus, à des entreprises en démarrage ou à des organisations à but non lucratif (OBNL).
C’est la première fois que ce modèle «un pour un», qui a par exemple fait la renommée de l’entreprise de chaussures TOMS, est appliqué au secteur des services professionnels au Québec, affirme Ryan.
«On veut faire en sorte que les barrières qui limitent l’accès à la justice tombent. Parce que pour monsieur et madame Tout-le-Monde, pour une OBNL ou pour une entreprise en démarrage, faire appel à un avocat, c’est encore un big deal .»
Depuis ses débuts, NOVAlex a ouvert 33 dossiers pro bono : 10 pour des individus à faibles revenus, 11 pour des entreprises en démarrage et 12 pour des OBNL. Jusqu’à maintenant, le cabinet offre entre 100 et 125 heures gratuites par mois, et il prévoit d’accélérer la cadence dès l’an prochain.
Une facture qui fait du bien
«Les entreprises reçoivent tous les jours des messages de cabinets qui veulent offrir leurs services, explique Ryan. Quand on a lancé le nôtre, ce sont les grandes entreprises qui nous appelaient pour qu’on aille faire une présentation.»
Les clients font appel à NOVAlex pour la compétence de ses avocats, ses prix compétitifs, et bien sûr sa mission sociale, énumère le cofondateur. Sur chaque facture, ils peuvent voir les honoraires à payer, mais aussi le nombre d’heures qui seront offertes gratuitement. « Un client m’a appelé l’autre jour et m’a dit que c’était la première fois de sa vie qu’il recevait une facture d’avocat sans être fâché de la payer », dit-il en riant.
Mais comment un cabinet d’avocats qui donne la moitié de ses heures peut-il espérer être rentable? « L’ingrédient magique, ce sont les frais d’exploitation extrêmement bas, répond le spécialiste en litige commercial et civil. On n’a pas de murs en marbre ni de chaises de designers. Ce n’est pas ça que les clients veulent. »
Croissance rapide
Près de neuf mois après sa création, le cabinet semble avoir le vent dans les voiles. En mai dernier, deux avocats d’expérience se sont ajoutés à l’équipe de quatre personnes : Élaine Zakaïb, ministre déléguée à la politique industrielle dans le gouvernement péquiste de Pauline Marois, et Daniel Bénay, ancien associé chez McCarthy Tétrault.
NOVAlex se divise en deux entités: le cabinet offre les services facturés, tandis que la clinique juridique traite les demandes de services pro bono. Et pour faire en sorte qu’une heure payée se traduise bel et bien en une heure donnée, cette clinique aura bientôt un conseil d’administration indépendant, formé de personnalités du monde juridique, des affaires et de la culture.
La jeune entreprise veut, plus tard, élargir son expertise, en ajoutant par exemple la fiscalité et la propriété intellectuelle. Elle cherche par ailleurs à s’établir dans d’autres centres urbains, « au Québec et ailleurs », mais aussi à transposer son modèle à d’autres services professionnels, comme la comptabilité ou le notariat.
«Il y a toutes sortes d’ordres professionnels au Québec, glisse Ryan. On les regarde tous. »