Occasion manquée au marché Jean-Talon
La Ville de Montréal a refait à l’identique les rues bordant le Marché Jean-Talon, une « occasion ratée» selon un groupe de citoyens. Un consensus se dégage sur la pertinence de revoir la place de l’automobile dans ce secteur principalement fréquenté par des usagers à pied ou à vélo.
Les Ami.e.s du Marché JeanTalon ont consulté plus de 500 personnes l’an dernier sur leur vision de cet espace. À quelques jours du dépôt de leur mémoire, ils ont vu surgir des camions d’asphaltage.
Les deux rues baptisées place du Marché-du-Nord qui bordent le nord et le sud du marché ont été tout simplement réasphaltées. «Tout le monde comprend la nécessité pour les commerçants et restaurateurs d’assurer les livraisons. Nous sommes conscients que la circulation automobile occupera toujours une place, mais auraiton pu prôner une reconfiguration à la place de tout refaire à l’identique?», dit Jérémie Lévesque, membre du groupe Les Ami.e.s du Marché Jean-Talon. Il déplore un «manque de vision» et appelle à considérer une meilleure «recette de cohabitation des piétons, des vélos et des voitures ».
Le maire de l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie, François Croteau, se dit lui aussi déçu de voir que la ville centre n’en ait pas profité pour élargir ou pour abaisser les trottoirs: «Il me semble que c’était l’occasion parfaite pour revoir l’aménagement, mais à la place, la Ville opte pour un aménagement classique, sans se casser la tête.» Une fois les travaux de réasphaltage terminés, il lui apparaît que la reconfiguration de l’endroit sera remise à plus tard.
La Corporation des marchés publics dit quant à elle avoir appris la tenue des travaux en mars dernier. Considérant les désagréments engendrés par de tels travaux, pourquoi ne pas «mieux configurer les rues», demande également Patrizia Cusinato, porte-parole de cette entité de gestion.
« L’expérience piétonne »
De toutes les personnes sondées par Les Ami.e.s., 68 % privilégient la marche ou le vélo pour se rendre au marché contre seulement 20% la voiture.
L’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie a d’ailleurs annoncé mercredi dernier que la période de piétonnisation du marché passait à quatre jours cette année, soit entre les jeudis et dimanches jusqu’au 15 octobre.
Mais pour Nicolas FabienOuellet, «ce n’est pas une question d’empêcher les voitures, c’est plutôt l’expérience piétonne qui compte». Lui aussi membre du regroupement, il suggère des interventions « d’urbanisme tactique» : «Ce qu’on dit, c’est expérimentons avant de dépenser beaucoup d’argent dans les travaux.»
La majorité des commerçants ont déclaré souhaiter que des aménagements soient faits pour que les usagers «puissent s’asseoir, manger et se reposer près de leur commerce ». Il n’est donc surtout pas question d’antagonisme entre les usagers et les commerçants, réitère M. Fabien-Ouellet.
Un service public
Autre aspect intéressant de ces consultations, les répondants considèrent à 78 % que le marché est un service public. Au même titre qu’une bibliothèque ou une école, il apparaît logique que les citoyens fassent partie des processus décisionnels.
Une des solutions préconisées par le groupe citoyen pour ne pas voir ce scénario se répéter est donc de voir s’ouvrir le conseil d’administration de la Corporation de gestion des marchés publics.
Les sièges de ce conseil sont présentement occupés à 100 % par des producteurs et des revendeurs. Une composition particulièrement exclusive puisque, partout ailleurs au Québec, des élus, des usagers, des organismes communautaires ou des commerces environnants forment au moins une partie du conseil d’administration des marchés publics semblables. «On voudrait aussi voir toutes les parties prenantes avoir une place au comité exécutif du marché Jean-Talon», ajoute M. Fabien-Ouellet.
En parlant avec les citoyens, ils ont aussi constaté que, dans leur tête, le marché Jean-Talon allait bien au-delà des bâtiments gérés par la Corporation. Le «territoire de rayonnement» du marché s’étend du boulevard SaintLaurent à l’avenue Henri-Julien et de la rue Mozart à Jean-Talon Est. Il mériterait un programme particulier d’urbanisme, recommandentils, qui permettrait de réfléchir de façon plus intégrée au quadrilatère.
«La Ville opte pour un aménagement classique, sans se casser la tête»