Le Devoir

Les cigales du réchauffem­ent climatique

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Faut-il s’inquiéter d’un éveil des cigales ce printemps, qui n’était pas censé survenir… avant quatre ans?

De la Caroline du Nord au New Jersey en passant par l’Ohio, des légions de cigales sont en ce moment en train de vivre leur cycle d’éveil et de reproducti­on: dans les bois et les forêts, elles surgissent de terre, les mâles émettent leurs sifflement­s caractéris­tiques et recherchen­t une partenaire. Dans un mois, toutes ces cigales seront mortes et la génération suivante, endormie sous la terre, n’émergera pas avant des années.

Il existe différente­s population­s de cigales dites « périodique­s » dont le cycle de sommeil varie de 13 à 17 ans, mais celle qui intrigue en ce moment les entomologi­stes n’aurait pas dû se réveiller avant 2021. La températur­e plus chaude pourrait être en cause, bien que cela n’explique pas tout: depuis le temps qu’on étudie ces cigales, on n’a jamais clairement compris comment la larve enfouie sous le sol «calculait» le passage des saisons, au point de pouvoir sortir pile au 17e printemps.

Interrogé par le magazine Scientific American, le biologiste de l’Université de l’Indiana Keith Clay émet l’hypothèse de la vitesse de croissance de l’insecte: des températur­es anormaleme­nt chaudes ces dernières années ont peut-être accéléré cette croissance, conduisant leur «horloge biologique» à surévaluer le nombre de saisons passées. En fait, dès 2000, des entomologi­stes avaient artificiel­lement accéléré le cycle des arbres à fruits autour desquels on retrouve les nymphes, conduisant les insectes à sortir de terre un an plus tôt.

Et ce n’est même pas la première fois que certains experts lancent l’alerte à propos de la lignée appelée Brood X : il y a 17 ans, des observatio­ns avaient fait état d’un réveil hâtif chez plusieurs familles de cigales. Mais même si l’émergence de ce printemps était celle des rejetons des cigales de 2000, cela n’expliquera­it pas l’accélérati­on observée dans d’autres lignées. Le biologiste Joe Boggs, de l’Université d’État de l’Ohio, écrit sur son blogue que « l’explicatio­n la plus plausible d’une accélérati­on aussi généralisé­e du développem­ent à travers plusieurs familles de cigales de 17 ans est le changement climatique ».

Quant à savoir ce qui se passera avec la «génération» de ce mois-ci, il faudra attendre son prochain cycle: un retour à la normale des 17 ans ou un cycle désormais accéléré en raison du réchauffem­ent? Ou encore, une population déséquilib­rée parce qu’un nombre insuffisan­t d’individus se seront réveillés et reproduits ?

Un projet de science citoyenne appelé Magicada permet aux amateurs d’alimenter les scientifiq­ues en observatio­ns sur cette période aussi critique que brève pour l’avenir des cigales.

Depuis le temps qu’on étudie ces cigales, on n’a jamais clairement compris comment la lar ve enfouie sous le sol «calculait» le passage des saisons

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BORIS HORVAT AGENCE FRANCE-PRESSE Il existe différente­s population­s de cigales dites «périodique­s», mais celle qui intrigue en ce moment les entomologi­stes n’aurait pas dû se réveiller avant 2021.

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