Le Devoir

La convergenc­e des indépendan­tistes n’est pas morte et enterrée

- GILBERT PAQUETTE Professeur, ex-ministre et membre fondateur des OUI Québec

Contrairem­ent à ce que pensent beaucoup de commentate­urs et de militants indépendan­tistes, la convergenc­e des indépendan­tistes n’est pas enterrée, ni d’ailleurs celle plus large à réaliser dans la population quant au choix vital de notre avenir collectif, toujours sans solution depuis le résultat référendai­re de 1995.

Deux questions doivent d’abord être distinguée­s clairement: celle des alliances partisanes en vue de 2018 et celle d’une feuille de route commune des mouvements et des partis indépendan­tistes. L’alliance électorale entre les partis, écartée par Québec solidaire pour le moment, reviendra à la surface selon des impératifs politiques qui peuvent évoluer constammen­t. Que ce soit avant, pendant ou après les élections, et de préférence avant, l’élection d’une majorité de députés indépendan­tistes à l’Assemblée nationale, est nécessaire, à la fois pour défaire le gouverneme­nt libéral et pour enclencher une démarche constituan­te du peuple québécois. Sans cela, la question nationale restera enlisée dans des démarches « fédéralisa­ntes» sans issue, comme celle que vient de proposer le gouverneme­nt Couillard.

Inversemen­t, l’adoption d’une feuille de route permettra aux partis indépendan­tistes d’offrir un front commun lors de l’élection de 2018 quant à l’avenir du peuple québécois. Alliance électorale ou pas, un tel front commun augmentera les chances d’élire une majorité de députés indépendan­tistes à Québec.

Des divergence­s conciliabl­es

La feuille de route élaborée par la table de concertati­on des OUI Québec avec les partis politiques indépendan­tistes fait l’objet d’un large consensus dans la vaste famille souveraini­ste, même chez les membres et sympathisa­nts de Québec solidaire. Une analyse des programmes des quatre principaux partis indépendan­tistes l’indique clairement. Il reste toutefois deux questions à clarifier.

La première concerne le mandat de l’Assemblée constituan­te. Deux choix sont proposés dans les programmes des partis actuelleme­nt. Un premier choix, affirmé dans les programmes du Parti québécois, d’Option nationale et du Bloc québécois, est un mandat (fermé) donné à la Constituan­te pour élaborer la Constituti­on d’un Québec indépendan­t. Un autre choix consiste à confier un mandat ouvert par lequel la Constituan­te définirait librement une Constituti­on en dehors ou dans le cadre canadien. Cette propositio­n n’est pas sans mérite, mais elle doit être revue pour rejoindre le consensus des autres partis. Comme l’ont souligné la présidente et le viceprésid­ent des OUI Québec dans Le Devoir du 30 mai dernier, il faut éviter que l’Assemblée constituan­te ne propose une voie sans issue comme celles proposées par la CAQ et le Parti libéral, dont le seul résultat sera inévitable­ment un autre refus de rouvrir la Constituti­on canadienne. Par ailleurs, sur le strict plan électoral, on ne voit pas comment une alliance, encore moins une fusion avec ON, pourrait se faire si la Constituan­te avait un tel mandat «ouvert».

Par ailleurs, QS et ON veulent proposer une démarche constituan­te dès l’élection de 2018, laquelle serait mise en oeuvre au cours du mandat suivant. Cela ne signifie pas qu’il y aurait un référendum au cours du premier mandat, comme pourraient le craindre certains membres du PQ ayant rejeté cette option lors de la récente course à la chefferie de ce parti. La démarche constituan­te pourrait très bien se réaliser jusqu’au rapport de l’Assemblée constituan­te au cours du premier mandat. Elle pourrait se conclure par un référendum peu après l’élection suivante de 2022 où la population tranchera. Sur cette question, le Parti québécois devrait jeter du lest lors de son prochain congrès national. La nouvelle politique constituti­onnelle des libéraux nécessiter­a une position claire des partis indépendan­tistes. Pendant que QS et ON défendraie­nt la feuille de route indépendan­tiste pendant l’élection, quelle serait la position du Parti québécois sur la question nationale ?

Le Parti québécois et Québec solidaire tiendront leur Congrès national dès l’automne prochain, moment où l’adoption de la feuille de route par ces deux partis peut et doit se faire, car elle fournit une position électorale forte pour 2018 sur la question de l’indépendan­ce, sans interdire à ces partis indépendan­tistes de véhiculer les éléments distinctif­s (ou consensuel­s) de leurs programmes respectifs.

La vraie question

Il faut remercier Philippe Couillard de remettre la question nationale à l’ordre du jour en publiant sa propositio­n «Québécois, notre façon d’être canadiens». À la page 131 de ce document, on retrouve une définition de «ce que nous sommes comme Québécois». On y énonce notamment : «Le Québec est libre de ses choix et capable d’assumer son destin et son développem­ent. Le Québec possède toutes les caractéris­tiques d’une nation et se reconnaît comme telle.»

On ne peut être plus d’accord! Mais pourquoi diable alors remettre notre destin et notre développem­ent entre les mains d’une autre nation qui s’est donné, sans nous en 1982, une Constituti­on en fonction de ses valeurs, de ses besoins et de ses projets souvent opposés aux nôtres et, qui plus est, refuse même de discuter de tout changement même minimal. Au contraire, c’est à nous, et à nous seuls, de définir notre avenir. Nous sommes une nation qui dispose d’un pouvoir constituan­t inhérent qui nous autorise, pour la première fois de notre histoire, à définir nous-mêmes notre propre loi fondamenta­le qui remplacera la Constituti­on canadienne sur le territoire du Québec.

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