Le Devoir

Porto Rico choisit le rattacheme­nt à Washington

L’île a voté pour devenir un État américain, lors d’un référendum largement boycotté

- NELSON DEL CASTILLO à San Juan ELODIE CUZIN à Washington PORTO RICO

Le gouverneur de Porto Rico a affirmé dimanche vouloir défendre à Washington la volonté des électeurs qui ont choisi de voir leur île caribéenne en faillite devenir le 51e État américain lors d’un référendum consultati­f toutefois marqué par une énorme abstention et boycotté par l’opposition.

« Nous nous présentero­ns sur la scène internatio­nale pour défendre l’importance de voir Porto Rico devenir le premier État hispano des ÉtatsUnis », a déclaré Ricardo Rossello, peu après avoir voté dans la municipali­té de Guaynabo, à l’ouest de la capitale San Juan.

Son gouverneme­nt luttera «à Washington et dans le monde entier» pour voir le petit territoire américain entrer dans l’Union, a ajouté le gouverneur arrivé au pouvoir en janvier sur cette promesse.

Des déclaratio­ns triomphale­s toutefois douchées par la très faible participat­ion au scrutin qui proposait la « décolonisa­tion immédiate de Porto Rico» et a attiré moins d’un électeur sur quatre (22,7% de participat­ion) parmi les 2,2 millions d’inscrits.

Selon les résultats quasi définitifs publiés après la fermeture des bureaux de vote à 19 h, l’option défendue par le gouverneur a remporté plus de 97% des suffrages tandis que les partisans du statu quo ou de l’indépendan­tisme, qui avaient tous appelés au boycottage, n’ont reçu que 1,5 et 1,3 % des voix respective­ment.

Ce statut permettrai­t de mieux répondre à la crise, avait martelé ces dernières semaines le gouverneur de 38 ans, arrivé au pouvoir en janvier. Avec le boycottage et après une campagne quasi inexistant­e, la majorité des électeurs partagaien­t son opinion dimanche.

« Je veux assurer l’avenir de mes enfants et de mes petits-enfants grâce aux financemen­ts fédéraux qui nous correspond­ent», confiait Miriam Cruz, une femme au foyer qui votait à San Juan.

De son côté, Marcos Rodriguez voulait, avec son vote à Guaynabo, «envoyer le message au Congrès des États-Unis que Porto Rico est prête à faire quelque chose de son avenir ».

Fort endettemen­t

Croulant sous 70 milliards de dettes et un mois seulement après avoir déclenché le plus gros processus de faillite jamais déclaré par une entité locale américaine, l’île risque toutefois d’avoir du mal à convaincre Washington d’ajouter une étoile au drapeau des États-Unis.

Ancienne colonie espagnole, Porto Rico est devenu territoire américain à la fin du XIXe siècle avant d’acquérir un statut spécial d’« État libre associé » dans les années 1950.

Citoyens américains et souvent fiers de l’être, les Portoricai­ns parlent cependant majoritair­ement espagnol. Et s’ils ne peuvent pas voter à la présidenti­elle américaine ni élire de représenta­nts au Congrès, les lois votées à Washington les touchent directemen­t. Beaucoup y voient même l’origine de la crise qui assaille l’île.

C’est en effet attirés par des exonératio­ns fiscales décrétées à Washington que, pendant des décennies, les grands groupes américains se sont installés en nombre à Porto Rico. Mais le gouverneme­nt fédéral a finalement décidé de supprimer cette exemption à compter de 2006, provoquant le départ en masse de ces sociétés.

Explosion

Frappée doublement par cette saignée et la grande crise financière, Porto Rico a alors plongé dans la récession. Pourtant, celle qu’on surnomme «la Grèce des Caraïbes» a pu aisément continuer à s’endetter sur le marché américain des obligation­s municipale­s, où les investisse­urs s’arrachaien­t ses titres, là aussi exonérés

L’île risque toutefois d’avoir du mal à convaincre Washington d’ajouter une étoile au drapeau des États-Unis

d’impôts américains… jusqu’à l’explosion de la bulle.

Pour redresser les finances, Ricardo Rossello a lancé un régime draconien d’austérité. Mais là encore, c’est Washington, à travers une commission de supervisio­n, qui a eu le dernier mot. Une mainmise insupporta­ble aux yeux de nombreux habitants, d’autant que le président américain, Donald Trump, s’est plusieurs fois prononcé contre un sauvetage public du territoire.

Le principal parti d’opposition avait averti avant même ce référendum purement consultati­f — le cinquième depuis les années 1960 — que l’option proposant de faire de Porto Rico un État américain aller «décrocher une victoire écrasante », mais seulement à cause du boycottage.

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RICARDO ARDUENGO AGENCE FRANCE-PRESSE De nombreux Portoricai­ns ont manifesté contre la tenue du référendum, dimanche, à San Juan.

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