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AUJOURD’HUI Culture › Les FrancoFoli­es de Montréal. MHD, un rappeur étoile obsédé par le foot et les pas de danse farfelus.

Un rappeur étoile obsédé par le foot et les pas de danse farfelus

- PHILIPPE RENAUD

Montréal l’été dernier, aujourd’hui le monde: le jeune rappeur parisien MHD, alias Mohammed Sylla, revient ce soir aux FrancoFoli­es — après son turbulent passage sur une scène extérieure l’été dernier, souvenons-nous des petits débordemen­ts postconcer­t! — donner le premier de deux concerts au Métropolis. Tout ça au moment où le marché anglo-saxon s’intéresse à son afro-trap, appellatio­n inventée par le MC de 22 ans révélé par une série de clips qui récoltent des visionneme­nts par millions sur YouTube. «Pourtant, rien n’a changé dans ma vie depuis le succès», tente-t-il de nous convaincre.

Vraiment, Mohammed? Allons, ça doit être plus facile au moins d’avoir une table dans un bon resto à Paris? Ou encore des places pour un match du Paris Saint-Germain, dont il est non seulement un fan fini mais qui a de surcroît enregistré ce qui est devenu l’hymne officieux des athlètes et des partisans du club, Afro-Trap Part 3 (Champions League), visionné presque 82 millions de fois — oui, 82 millions! — sur YouTube? Même pas, échappe-t-il.

Allons donc! On l’a vu à la télé en mars dernier, là, juste derrière le but, assister à la déconfitur­e totale de son club fétiche face au FC Barcelone qui, dans une écrasante victoire de 6-1, a éjecté l’équipe parisienne de la Ligue des champions. «L’univers du foot compte beaucoup pour moi — forcément, dans le quartier, tout le monde est fan. Ça représente beaucoup.»

Sa base

En plus de Champions League, son premier album (éponyme, paru l’an dernier) comportait un puissant hommage à Roger Milla (c’est le titre), légendaire footballeu­r camerounai­s, l’une des premières étoiles africaines de ce sport à faire sa marque sur le marché internatio­nal. «Dès que j’ai lancé cette chanson, je n’ai pas seulement touché tous les Camerounai­s, j’ai aussi réussi à parler à toute l’Afrique», dont la musique populaire a bercé son enfance, «surtout celle des artistes de la Guinée, ou du Mali comme Salif Keita, ou encore Les Garagistes», fameux orchestre zouglou ivoirien. « La musique d’Afrique, c’est ma base », résume celui qui tient en haute estime le rappeur Booba, «pour la manière dont il a mené sa carrière».

MHD a même rencontré Milla au Cameroun, lors de son premier passage en tant que star du rap. «J’étais impression­né, même s’il appartient davantage à l’époque de mes parents qu’à la mienne. Pour mes parents, c’était un honneur de me voir à ses côtés… » Ses parents auront bientôt peut-être une autre bonne raison d’être fiers: le 25 juin prochain à Los Angeles, il pourrait devenir le premier Français à remporter un prix aux prestigieu­x BET Awards organisés et diffusés par la chaîne Black Entertainm­ent Television, dans la catégorie Meilleur artiste internatio­nal: Europe, contre les poids lourds du grime anglais Stormzy, Wiley et Skepta et son confrère français Booba.

Le mois dernier, c’est le Guardian de Londres qui lui consacrait un article, à l’occasion de sa performanc­e au festival Meltdown. Avec un seul album en poche, MHD est possibleme­nt en voie de devenir le premier MC francophon­e à percer ostensible­ment le marché anglo-saxon, tout ça grâce à d’irrésistib­les rythmiques manifestem­ent inspirées des musiques de danse modernes du continent africain, couplées à sa voix affirmée, saccadée et effrontée.

Un groove universel

«Je fais des chansons qui donnent envie de danser», résume MHD, né en Vendée d’un père guinéen et d’une mère sénégalais­e, établi dans le 19e arrondisse­ment depuis qu’il a sept ou huit ans. «Peu importe que l’on comprenne ou non le texte, ce genre de groove, c’est universel. Et puis, il y a toujours une petite gimmick: quand on regarde le clip, il y a cette petite gestuelle qu’on a envie de refaire juste après. Je pense que c’est ce qui fait que ça s’écoute un peu partout».

Percer aux États-Unis? « Ah ouais, largement. Pour l’instant, rien n’est fait, mais ce n’est pas une mauvaise idée», suggère-t-il. Il nous cache quelque chose, Mohammed, ça s’entend dans sa voix. « Une collabo avec un artiste américain? Peut-être… peut-être que c’est déjà fait, peut-être que c’est en cours?» Allez, lâchez le morceau : « Ça fait partie du métier, on ne peut pas tout dévoiler, hein?»

Une chose est claire : le prochain album est déjà en chantier, deux ou trois nouvelles chansons ont déjà été déposées sur YouTube. Il y a également la promesse d’une collaborat­ion avec Stromae, confirmée par une série de clichés publiés sur son compte Instagram. «Pour l’instant, on ne m’a pas donné l’autorisati­on d’en parler…» La collaborat­ion n’attend qu’à être partagée, il est même possible qu’on en découvre un bout lors du concert de ce soir au Métropolis.

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 ?? ELISA PARRON ?? «Je fais des chansons qui donnent envie de danser», affirme Mohammed Sylla, alias MHD, artiste avec du front tout le tour de la tête né en France d’un père guinéen et d’une mère sénégalais­e.
ELISA PARRON «Je fais des chansons qui donnent envie de danser», affirme Mohammed Sylla, alias MHD, artiste avec du front tout le tour de la tête né en France d’un père guinéen et d’une mère sénégalais­e.

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