Le Devoir

Alcool au volant : des députés craignent le profilage racial

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

La volonté du gouverneme­nt de Justin Trudeau de serrer la vis aux conducteur­s avec facultés affaiblies inquiète les députés d’arrière-ban, toutes allégeance­s politiques confondues. Plusieurs craignent que le pouvoir conféré aux policiers d’exiger aléatoirem­ent un échantillo­n d’haleine pour détecter l’alcool contribue au profilage racial dont certaines communauté­s font déjà les frais.

Le projet de loi C-46, qui accompagne celui sur la légalisati­on de la marijuana, modifie le régime de détection de l’alcool au volant en permettant à un policier qui intercepte un véhicule pour toute infraction au Code de la route ou pour une vérificati­on de routine d’exiger en même temps un échantillo­n d’haleine du conducteur. Il n’aura plus besoin d’avoir des « motifs raisonnabl­es de soupçonner » que le conducteur est intoxiqué. Des députés craignent que les personnes racisées soient plus ciblées.

«Le profilage racial est assurément une préoccupat­ion, et j’espère que cet enjeu sera pris en considérat­ion», a lancé la députée libérale Iqra Khalid en comité parlementa­ire où comparaiss­ait la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould. Il est rare qu’un député interpelle son propre gouverneme­nt. Mme Khalid est celle qui avait piloté la motion sur l’islamophob­ie qui a tant semé la zizanie cet hiver.

«Je me préoccupe de l’impact que cela aura sur les minorités raciales qui se font déjà plus arrêter ou qui sont plus susceptibl­es de l’être », a poursuivi Mme Khalid avec Le Devoir.

Critères arbitraire­s

La préoccupat­ion est la même du côté du NPD. «Je me demande quels seront les critères utilisés par les policiers pour faire passer ce test. On dirait que ça se fera seulement sur un coup de tête», a indiqué le député Alistair McGregor, qui a rappelé qu’à Toronto les Noirs représente­nt 8% de la population, mais 25 % des gens dont l’identité a été vérifiée par les policiers.

La ministre Wilson-Raybould a répondu que le problème ne se situait pas du côté de la loi. « Bien que notre gouverneme­nt prenne très au sérieux la question du profilage racial, la détection obligatoir­e de l’alcool n’aura pas d’impact sur cette pratique, car elle n’altère pas la responsabi­lité des forces de l’ordre en matière de formation et de surveillan­ce pour assurer l’applicatio­n équitable et appropriée de la loi.»

Elle a rappelé que c’est le comité de la Justice — devant lequel elle comparaiss­ait — qui avait recommandé ce changement en 2009.

Plusieurs députés craignent que le pouvoir conféré aux policiers d’exiger aléatoirem­ent un échantillo­n d’haleine pour détecter l’alcool contribue au profilage racial

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