Le Devoir

Hydro-Québec se prépare à la révolution de l’énergie solaire

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec ne sera pas épargné par la vague de l’énergie solaire, constate le président-directeur général d’Hydro-Québec, Éric Martel. D’ici quelques années, des milliers de Québécois produiront de l’électricit­é grâce à leurs propres panneaux solaires, prédit-il, ce qui obligera la société d’État à changer radicaleme­nt ses façons de faire.

Prenant la parole mardi lors de la Conférence de Montréal, le grand patron d’Hydro-Québec s’est montré pragmatiqu­e. Même si le Québec peut produire de l’hydroélect­ricité en abondance et à bas coûts, ce n’est qu’une question de temps avant que la production d’énergie par les particulie­rs, une tendance qui gagne du terrain à travers le monde, devienne monnaie courante dans la province.

« Malgré notre position de choix […] il y a une transforma­tion importante qui est en train d’arriver dans la relation avec les clients en matière d’énergie», a lancé M. Martel devant le parterre de leaders internatio­naux et de gens d’affaires.

«Plutôt que de seulement pousser de l’énergie au client, on va éventuelle­ment être en relation avec lui pour acheter son énergie. Ça amène un paquet de questionne­ments», a-t-il ajouté, précisant que la société d’État cherche le bon modèle d’affaires pour tenir compte de cette nouvelle relation «bidirectio­nnelle».

Prix concurrent­iels

Pour le moment, les coûts d’installati­on des

panneaux solaires sont généraleme­nt trop élevés pour permettre de rentabilis­er l’investisse­ment, mais puisque ces coûts diminuent d’année en année, Hydro-Québec prévoit que le prix de l’énergie solaire produite localement rivalisera avec celui de l’hydroélect­ricité distribuée sur son réseau à partir de 2024.

« Éventuelle­ment, on pense que les deux vont se croiser. Ce n’est pas juste une question économique. C’est peut-être pour des questions de principe que les gens vont vouloir produire une partie de leur énergie», fait remarquer M. Martel.

Cette nouvelle donne pourrait placer HydroQuébe­c dans une position délicate, note-t-il : si les clients produisent davantage d’énergie solaire chez eux, mais que les infrastruc­tures de transport demeurent les mêmes, les tarifs d’électricit­é d’Hydro-Québec vont augmenter. Et plus les tarifs d’électricit­é vont augmenter, plus les clients vont vouloir se tourner vers l’autoproduc­tion d’énergie solaire.

« Il y a donc une nécessité d’intégrer l’énergie [produite par les clients] au réseau grâce à la digitalisa­tion», a insisté le p.-d.g., en référence au concept de réseau électrique intelligen­t, ou «smart grid». «Sinon, ça pourrait avoir des conséquenc­es financière­s.»

Premiers pas

L’intégratio­n d’énergie solaire produite localement au réseau d’Hydro-Québec se fait déjà depuis 10 ans, mais de manière pour l’instant limitée. Entre 2007 et 2016, le nombre de clients d’Hydro-Québec qui sont devenus des autoproduc­teurs d’énergie solaire est passé de 3 à 103. La société d’État n’a pas fait de projection­s à long terme, mais elle prévoit malgré tout une forte

augmentati­on de la quantité d’autoproduc­teurs dans les années à venir.

Les consommate­urs qui décident de retourner leurs surplus sur le réseau d’HydroQuébe­c ne sont pas payés directemen­t. Ils reçoivent plutôt un crédit pour recevoir de l’électricit­é de la société d’État lorsqu’ils en ont besoin.

Depuis l’hiver dernier, Hydro-Québec teste d’ailleurs à Shawinigan un ensemble de technologi­es dans une «maison intelligen­te»: des panneaux solaires, des objets connectés, ou encore des batteries pour stocker de l’énergie. L’objectif est notamment d’évaluer les occasions d’affaires, indique le porte-parole Marc-Antoine Pouliot.

«Toutes les options sont sur la table», dit-il, y compris la constructi­on de toits photovolta­ïques, comme l’a laissé entendre Éric Martel en janvier dernier en entrevue au Journal de Montréal, en marge du forum économique de Davos.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Selon Éric Martel, ce n’est qu’une question de temps avant que la production d’énergie par les particulie­rs devienne monnaie courante dans la province.

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