Le Devoir

La production de pétrole du Canada dépassera les cinq millions de barils par jour en 2030

- ALEXANDRE SHIELDS

L’optimisme est au rendezvous pour les producteur­s pétroliers du Canada, qui prévoient une croissance soutenue de la production d’ici 2030. Celle-ci devrait alors dépasser les cinq millions de barils par jour, dont 3,7 millions de barils provenant des sables bitumineux. De quoi augmenter significat­ivement les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie.

Les données publiées mardi par l’Associatio­n canadienne des producteur­s pétroliers (ACPP) indiquent que la croissance prévue du secteur pétrolier fera passer la production quotidienn­e de 3,85 millions de barils en 2016 à 5,1 millions de barils en 2030. Cela équivaut à plus de 1,8 milliard de barils par année.

La plus grande part de cette croissance doit provenir des sables bitumineux, dont la production quotidienn­e doit passer, selon l’ACPP, de 2,4 millions de barils par jour en 2016 à 3,7 millions de barils en 2030. Il s’agit d’une hausse de la production d’un peu plus de 53%. Pendant ce temps, la production de pétrole convention­nel doit essentiell­ement demeurer stable, à 885 000 barils par jour, alors que celle provenant des plateforme­s en mer, sur la côte est, devrait reculer.

Preuve de l’optimisme de l’industrie, ces nouvelles prévisions sont légèrement plus élevées que celles mises en avant par l’ACPP l’an dernier. Le lobby pétrolier prévoyait alors une production atteignant 4,9 millions de barils par jour.

Pipelines nécessaire­s

Selon le président et chef de la direction de l’ACPP, Tim McMillan, ces données démontrent hors de tout doute que le pays a «un urgent besoin» de nouveaux pipelines «vers l’ouest, l’est et le sud», afin de transporte­r au moins 1,3 million de barils supplément­aires chaque jour.

Le rapport publié par le regroupeme­nt souligne ainsi la nécessité de construire les pipelines Trans Mountain et Keystone XL, mais aussi de procéder au remplaceme­nt de la «Ligne 3» de l’entreprise Enbridge. Ces trois projets sont soutenus par le gouverneme­nt de Justin Trudeau, qui a déjà approuvé deux projets majeurs depuis son élection.

L’ACPP insiste en outre sur l’importance d’aller de l’avant avec le pipeline Énergie Est, qui offrira la pos- sibilité de connecter le Canada avec l’Europe et d’autres marchés.

Cette croissance de la production pétrolière risque cependant de compliquer les choses en matière de lutte contre les changement­s climatique­s. Déjà, selon le plus récent bilan des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada, les émissions du secteur pétrolier représente­nt 25 % du total canadien. Celles-ci dépassent même le secteur des transports, à 23%.

Or le gouverneme­nt Trudeau a promis de réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 30 % d’ici 2030, par rapport à 2005. Jusqu’à présent, les réductions atteignent seulement 2,2 %. Dans ce contexte, une croissance de la production pétrolière est « complèteme­nt incompatib­le » avec les cibles canadienne­s de réduction des GES, selon le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin. «S’il veut respecter ses engagement­s dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, le gouverneme­nt doit absolument s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre des pétrolière­s.»

Le secteur des sables bitumineux représente déjà 70 millions de tonnes d’émissions par année. Mais l’industrie table sur une croissance de la production de 53% d’ici 2030, ce qui fera grimper significat­ivement les GES du secteur. Selon M. Bonin, cela risque d’annuler les réductions d’autres secteurs et les efforts de certaines provinces, dont le Québec.

La plus grande part de cette croissance doit provenir des sables bitumineux

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