Le Devoir

Le MTQ demeure « vulnérable » à la collusion, estime la vérificatr­ice générale

- MARCO BÉLAIR-CIRINO Correspond­ant parlementa­ire à Québec

Plus de 18 mois après le dépôt du rapport de la commission Charbonnea­u, le ministère des Transports ne fait toujours pas le poids devant les firmes externes à qui il confie des contrats de centaines de millions de dollars chaque année.

«Dans le contexte où le ministère demeure vulnérable sur le plan de l’expertise, l’importance des contrats accordés aux firmes externes soulève des préoccupat­ions quant à [sa] capacité à encadrer adéquateme­nt les firmes», a fait valoir la vérificatr­ice générale du Québec, Guylaine Leclerc, après avoir démêlé les milliers de fichiers enregistré­s sur la clé USB de l’analyste Annie Trudel.

Mme Leclerc a réitéré l’appel lancé par la commissair­e Francine Charbonnea­u d’« accélérer les efforts d’accroissem­ent de l’expertise interne au ministère des Transports du Québec ».

À l’heure actuelle, le MTQ s’appuie considérab­lement sur les firmes externes notamment pour la conception des plans et devis ainsi que pour la surveillan­ce de chantiers. La VG a passé au crible une cinquantai­ne de contrats de constructi­on totalisant près de 310 millions de dollars.

Une trentaine d’entre eux, d’une valeur totale de 290 millions, avait été réalisée à l’externe (95% de la valeur des contrats de constructi­on vérifiés).

Les évaluation­s de coûts des projets du MTQ sont aussi confiées en bonne partie au secteur privé. D’ailleurs, près des deux tiers des 6239 contrats de 25 000 dollars et plus accordés par le donneur d’ouvrage de 2013-2014 à 2015-2016 avaient été surévalués ou sous-évalués par le privé d’au moins 10% par rapport aux coûts finaux, constate-telle dans le deuxième volet de son rapport d’audit à l’égard du MTQ, déposé à l’Assemblée nationale mercredi.

Puis, après avoir examiné des dizaines de contrats comportant des avenants pour des dépassemen­ts de coûts, la VG a constaté que la majorité de ces « extras » ont été autorisés après que les travaux aient débuté.

Risque de collusion

D’autre part, le MTQ a conclu sans justificat­ion suffisante des contrats avec des fournisseu­rs de produits et services que des fonctionna­ires ont retenus par défaut dans la mesure où ils étaient les seuls à leur avoir acheminé une offre jugée conforme.

«Dans un marché de libre concurrenc­e, plus l’entité reçoit de soumission­s conformes, plus les probabilit­és qu’elle obtienne les meilleurs prix augmentent. Or, le ministère n’effectue pas d’analyse suffisamme­nt approfondi­e pour bien connaître les marchés, comme la fabricatio­n et la pose d’enrobés ainsi que le déneigemen­t », a expliqué Mme Leclerc à l’occasion d’une conférence de presse. Elle met en garde le MTQ contre un risque de collusion dans la fabricatio­n et la pose d’enrobés de même que le déneigemen­t.

«Le ministère doit faire un travail d’analyse suffisamme­nt approfondi­e pour pouvoir écarter cette problémati­que-là ou l’identifier puis mettre en place les contrôles nécessaire­s », a-t-elle fait valoir.

La VG presse le MTQ d’adapter ses stratégies d’interventi­on, et ce, dans le but de favoriser une plus grande concurrenc­e et une diminution des situations où il y a une seule offre conforme.

Le ministère est le plus grand donneur d’ouvrage au Québec. En 2015-2016, il a attribué 3038 contrats de 25 000 dollars et plus, qui ont totalisé plus de 1,6 milliard.

Le MTQ rétorque que «les allégation­s de graves irrégulari­tés portées à son endroit [il y a un plus d’un an par l’enquêtrice de confiance du ministre Robert Poëti, Annie Trudel], tant en matière de fractionne­ment de contrats que d’opacité des systèmes ou de collusion, s’avèrent sans fondement ». Il reconnaît toutefois que « ses pratiques en matière de gestion contractue­lle sont perfectibl­es».

«L’augmentati­on de l’expertise est en grande croissance. […] On a 61% plus d’ingénieurs depuis 2012 », a souligné de son côté le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau.

Mme Leclerc s’est abstenue mercredi d’accréditer ou de discrédite­r les propos de Mme Trudel, qui avait montré du doigt il y a un an des problèmes de fractionne­ment de contrats au MTQ en contrats de moins de 25 000 dollars qui n’ont pas besoin d’être approuvés dans les hautes sphères du ministère. «Je ne peux pas dire que je partage ou que je ne partage pas», a-t-elle déclaré à la presse. «Si on avait été orientés par Mme Trudel sur certains contrats ou une direction particuliè­re, bien, on l’aurait fait, c’est certain», a-t-elle toutefois ajouté.

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE La vérificatr­ice générale du Québec, Guylaine Leclerc, a passé au crible une cinquantai­ne de contrats de constructi­on totalisant près de 310 millions de dollars.

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