Le Devoir

L’Assemblée nationale ratifie l’accord avec l’Europe sans l’appui du Parti québécois

- JOCELYNE RICHER à Québec

Le Québec n’a pas réussi à faire l’unanimité autour de l’accord de libre-échange conclu entre le Canada et l’Union européenne (AECG).

L’Assemblée nationale a ratifié mercredi l’accord internatio­nal signé en octobre dernier, après sept années de négociatio­ns difficiles. Du coup, grâce à l’éliminatio­n de tarifs douaniers, le Québec acquiert en principe un accès plus facile à un marché potentiel de 500 millions de consommate­urs européens.

Mais les élus québécois ont affiché leurs divisions sur le sujet : libéraux et caquistes ont voté pour l’accord, les trois députés solidaires et deux indépendan­ts (Gaétan Lelièvre et Martine Ouellet) ont voté contre, tandis que les 24 députés péquistes présents se sont abstenus de prendre position. Résultat du vote: 84 pour, 5 contre et 24 abstention­s.

Comme il s’agit d’un domaine de sa compétence, le Québec devait ratifier officielle­ment l’accord pour y être lié.

Sur le fond, l’opposition péquiste a dit approuver le projet de libre-échange entre le Canada et l’Europe, mais revendiqua­it un délai de six mois avant de ratifier l’accord, pour donner le temps à Ottawa de bonifier le programme de compensati­ons financière­s prévu pour les producteur­s de fromages, qui risquent de faire les frais de cette entente. L’opposition péquiste avait donc présenté un amendement à la motion gouverneme­ntale, mais il a été battu.

Mardi, le premier ministre Philippe Couillard avait affirmé qu’il n’était pas question de retarder, ne serait-ce que d’une journée, la ratificati­on de l’accord. Le vote sur la motion devait avoir lieu mardi en fin de journée, au terme

d’un débat de deux heures en Chambre, mais il avait été reporté à mercredi. «Quelle belle journée! Quel bel accord!» s’est exclamée la ministre des Relations internatio­nales, Christine St-Pierre, en déplorant l’attitude de l’opposition péquiste, qui a préféré l’abstention à la ratificati­on. « Nous sommes un peu estomaqués de voir que le Parti québécois s’est abstenu, cela veut dire que le Parti québécois n’est pas en faveur de la prospérité du Québec», a-t-elle commenté en point de presse, peu après le vote, disant ne pas comprendre la position péquiste. «On aurait souhaité que tous les partis votent en faveur de ce développem­ent économique », a renchéri la ministre du Développem­ent économique, Dominique Anglade.

Selon les calculs du gouverneme­nt, 16 000 emplois seront créés chaque année au Québec grâce à cette nouvelle entente de libre-échange. Les secteurs de l’aérospatia­le et de l’agroalimen­taire seraient les premiers bénéficiai­res. Mais l’industrie laitière et le secteur de la production de fromages ne feront certaineme­nt pas partie des bénéficiai­res de l’accord alors qu’on s’attend à ce que 17 700 tonnes supplément­aires de fromages fins européens entrent

au Canada. Les exportatio­ns de fromages européens vers le Canada vont pratiqueme­nt tripler, semant la panique chez les producteur­s fromagers québécois.

La ministre St-Pierre a cherché malgré tout à se faire rassurante. «Il y a des engagement­s qui ont été pris de façon très, très claire, tant par le gouverneme­nt Harper que par le gouverneme­nt de M. Trudeau, pour faire en sorte que nos fromagers soient compensés dans ce grand accord», a-t-elle fait valoir. Pour atténuer les pertes à venir, le gouverneme­nt fédéral a prévu d’offrir des compensati­ons financière­s de l’ordre de 350 millions aux fromagers canadiens, principale­ment regroupés au Québec, qui devront affronter une concurrenc­e féroce des producteur­s européens de fromages fins, une fois l’accord entré en vigueur. Le montant a été jugé insuffisan­t par les producteur­s de fromage, qui estiment faire les frais de cette entente.

Au pays, l’impact financier sur cette industrie atteindrai­t 1,5 milliard, selon une évaluation de l’Union des producteur­s agricoles. Les fromagers québécois s’attendent à perdre 150 millions par année, en raison des nouvelles règles du jeu tarifaires entre les deux continents.

Tous les Parlements européens doivent aussi ratifier l’entente avant qu’elle entre en vigueur.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? «Quelle belle journée! Quel bel accord!» s’est exclamée la ministre des Relations internatio­nales, Christine St-Pierre, entourée des ministres Laurent Lessard et Dominique Anglade.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE «Quelle belle journée! Quel bel accord!» s’est exclamée la ministre des Relations internatio­nales, Christine St-Pierre, entourée des ministres Laurent Lessard et Dominique Anglade.

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