Le Devoir

Encadremen­t menacé

- GÉRARD BÉRUBÉ

Les médias financiers spécialisé­s multi plient les reportages et la publicatio­n d’avis d’experts et de dirigeants de l’industrie des services financiers craignant, voire dénonçant, la volonté du ministre des Finances d’intégrer les deux Chambres à l’AMF. Par souci d’allégement du fardeau réglementa­ire, dit-on à Québec et à l’AMF. Cette Loi sur la distributi­on de produits et services financiers revisitée et révisée devait être disséminée dans le projet de loi omnibus devant être déposé vendredi.

Selon Radio-Canada, il ne pourra finalement être déposé avant la fin de la session. Mais au cabinet du ministre Carlos Leitão, on promet que ce sera fait

«dès les premiers jours de la reprise des travaux en septembre prochain».

Jeudi dernier, lors de son assemblée générale annuelle, la Chambre de sécurité financière (CSF) évoquait les rumeurs sur son abolition dans le cadre de la nouvelle loi et plaçait son assemblée sous le thème «La santé financière, c’est notre affaire à tous». Dans son communiqué, elle reprenait les commentair­es des participan­ts défendant «l’importance de protéger le modèle d’encadremen­t québécois, au sein duquel la Chambre joue un rôle essentiel, afin d’assurer la protection du public et de maintenir la confiance des épargnants et investisse­urs à l’endroit de l’industrie des services financiers».

Ce thème, ou cette reconnaiss­ance, est repris, ou partagée, par des organismes de protection des consommate­urs, par des avis juridiques, par les cabinets de services financiers. Ce système d’encadremen­t des conseiller­s, empruntant à l’autoréglem­entation selon un modèle s’apparentan­t à un ordre profession­nel, joue pleinement son rôle. Option Consommate­urs, pour une, l’avait défendu en 2002 et le redit aujourd’hui. Le système actuel d’encadremen­t comporte deux facettes, «chacune étant indispensa­ble à une protection de type prudentiel­le».

L’organisme estime que le regroupeme­nt de ces deux facettes au sein de l’AMF pourrait aussi conduire à l’affaibliss­ement de l’encadremen­t des représenta­nts au profit de celui des cabinets. Et manifeste sa préférence que les chambres demeurent des entités séparées, responsabl­es spécifique­ment de l’encadremen­t des représenta­nts.

D’autant qu’il est reconnu que, en matière d’encadremen­t et de discipline, il n’y a pas plus rigoureux que ses pairs. À titre d’exemple, la CSF souligne dans son rapport annuel 2016 que, en matière disciplina­ire, 554 demandes d’enquête ont été traitées et, après examen, 81% d’entre elles ont mené à l’ouverture de dossiers. À noter que 43% des dossiers ont été ouverts à la demande de consommate­urs, comparativ­ement à 27% en provenance de l’industrie et 30% de la syndique de la CSF. Globalemen­t, 56% des enquêtes ont conclu que les infraction­s alléguées étaient fondées, peut-on lire dans le magazine Conseiller.

Un débat déjà fait

Ce débat sur le guichet unique a pourtant déjà été fait au cours des consultati­ons ayant mené à la création de l’AMF, en 2002. La ministre des Finances d’alors, Pauline Marois, se rendait aux critiques, commentair­es et argumentai­res en apportant quelque 180 amendement­s à son projet de loi. Aux craintes de concentrat­ion de pouvoirs et de perpétuels conflits d’intérêts, la ministre a répondu avec un encadremen­t double prévoyant que certains pouvoirs soient délégués à des structures recevant le statut d’ organisme d’ auto réglementa­i on. On évoquait les deux Chambres et l’Associatio­n canadienne des courtiers en valeurs mobilières, section Québec.

On écrivait alors que les modificati­ons proposées allaient dans le sens d’un encadremen­t bicéphale distinguan­t clairement la surveillan­ce «policée» des marchés et celle de l’exercice du droit de pratique. D’une double entité qui permettrai­t de concilier, sans ambiguïté et sans apparence de conflits, le rôle prudentiel de base et la surveillan­ce des pratiques profession­nelles et commercial­es des institutio­ns, des cabinets et des conseiller­s.

Pourquoi cette distinctio­n et cette séparation des pouvoirs, qui faisaient consensus il y a 15 ans, ne sont-elles plus valables aujourd’hui ?

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