Le Devoir

Des conditions de captivité améliorées

Le Biodôme passe en revue tout l’environnem­ent de ses animaux depuis trois ans

- PAULINE GRAVEL

Lundi prochain, le Biodôme célébrera son 25e anniversai­re. Depuis son ouverture, cette emblématiq­ue institutio­n montréalai­se a beaucoup évolué. Même si les transforma­tions qu’elle a subies ne sont pas évidentes aux yeux des visiteurs, elles sont par contre grandement appréciées des résidents, puisque la plupart d’entre elles visaient à améliorer leur bien-être.

Le 19 juin 2014, Espace pour la vie, dont le Biodôme fait partie, a signé un traité de l’éthique pour la biosphère avec le Muséum d’histoire naturelle à Paris et le Musée de la civilisati­on de Québec.

En vertu de ce traité, le Biodôme s’engage à respecter les règles du développem­ent durable et à offrir les meilleures conditions de vie en captivité possibles. Pour ce faire, on améliore l’environnem­ent dans lequel vivent les animaux et on pratique une médecine préventive sur mesure.

On se préoccupe aussi davantage de la santé psychologi­que des animaux. C’est ainsi qu’un stagiaire a remarqué un jour que le lynx pratiquait une locomotion excessive et stéréotypé­e en forme de huit toujours au même endroit.

«On a alors offert à l’animal un environnem­ent suffisamme­nt complexe pour qu’il soit stimulé à exprimer tous ses comporteme­nts naturels. On a caché des proies dans des boîtes un peu partout dans l’habitat pour qu’il soit obligé de travailler pour les obtenir au lieu de les avoir tout cuit dans le bec. Ainsi, en consacrant plus de temps à rechercher sa nourriture, il passait moins de temps à tourner en rond», explique la vétérinair­e Emiko Wong, spécialist­e en bien-être animal au Biodôme. « De plus, […] on a cherché une femelle pour cohabiter avec lui, ce qui a eu pour effet de créer une dynamique entre les deux et d’atténuer encore plus son comporteme­nt stéréotypé.»

On a aussi observé plus récemment que l’ara hyacinthe (perroquet bleu) avait tendance à se toiletter de façon excessive.

« Nous en sommes à émettre diverses hypothèses pour expliquer ce comporteme­nt compulsif et obsessif: est-ce parce que son lien avec la femelle n’est pas bon, ou que son alimentati­on n’est pas adéquate, ou qu’il n’est pas assez exposé au soleil ? » s’interroge Mme Wong avant de préciser que l’on mesurera sous peu son taux d’hormones de stress.

Par ailleurs, afin que la relation de l’animal avec l’humain soit positive, les animaliers ont recours au conditionn­ement opérant pour entraîner les animaux à adopter certains comporteme­nts particulie­rs, comme se soumettre à une prise de sang par le vétérinair­e, par exemple.

«Chaque fois que l’animal fait le comporteme­nt désiré, il reçoit sa récompense, qui est souvent de la nourriture. Cet entraîneme­nt donne des animaux beaucoup plus confiants », souligne Mme Wong.

Milieu physique

Des efforts ont également été déployés pour améliorer la qualité de l’eau.

Lorsque l’écophysiol­ogiste des poissons Nathalie Le François a été embauchée comme conseillèr­e scientifiq­ue au Biodôme en 2009, l’eau des bassins pouvait contenir une concentrat­ion de nitrates qui nuisait au bien-être des poissons, ainsi que des composés encore plus toxiques, comme l’ammoniac et les nitrites.

De plus, on ne changeait pas l’eau assez fréquemmen­t en raison des coûts énormes d’une telle démarche. Aujourd’hui, l’eau des bassins subit divers traitement­s d’épuration qui permettent de réduire les nitrates.

Depuis que les lanterneau­x ont été changés, la qualité de la lumière qui pénètre dans le Biodôme s’est grandement améliorée et a permis le développem­ent d’algues laminaires, telles que Palmaria palmata.

Avec son équipe de recherche, Mme Le François a accru de 30% l’efficacité de cette espèce indigène du Saint-Laurent à retirer les nitrates et les phosphates de l’eau dans des bassins de culture.

La spécialist­e prévoit même d’introduire cette belle algue rouge dans les écosystème­s aquatiques, car «elle fournirait une source d’aliments naturels pour les oursins et des niches aux petits organismes et certaines espèces de poisson pour se reposer, se cacher, se reproduire. On contribuer­a ainsi à rediversif­ier l’écosystème», souligne la chercheuse.

Comme les lanterneau­x filtrent la lumière naturelle, on diffuse donc des rayons ultraviole­ts (UV) à l’intérieur du Biodôme, car certains animaux, comme les reptiles, en ont absolument besoin pour activer la vitamine D.

«Sans UV, ces animaux souffriron­t de la maladie métaboliqu­e des os. On sait aussi que les UV sont bénéfiques pour la croissance des oisillons», indique la spécialist­e.

Développem­ent durable

Pour chauffer la forêt tropicale et refroidir le monde polaire, le Biodôme utilise depuis 2010 une source d’énergie renouvelab­le, la géothermie, grâce à la présence d’une nappe phréatique située à 20 m de profondeur.

«En été, la géothermie est tellement efficace que nous avons un surplus de froid qui sert à climatiser le planétariu­m, et en hiver, le Biodôme a un excédent de chaleur qui sert à chauffer le Planétariu­m», précise Vincent Roy, agent technique mécanique du bâtiment au Biodôme.

Les visiteurs peuvent être rassurés, la vie au Biodôme est de plus en plus agréable pour les animaux, et cela est rendu possible dans un contexte de développem­ent durable.

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BIODÔME DE MONTRÉAL Devant des comporteme­nts compulsifs du lynx en captivité au Biodôme de Montréal, les vétérinair­es ont modifié son environnem­ent et les procédés pour lui servir ses repas.

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