Le Devoir

Un environnem­ent scolaire qui fait grimper les notes

- CAROLINE MONTPETIT

Le ministre Sébastien Proulx a lancé cet hiver le projet « Labécole » pour doter le Québec des « plus belles écoles du monde ». Design, pédagogie, alimentati­on, sports ; les enjeux sont nombreux. Dans le cadre d’une série sur l’aménagemen­t des écoles, Le Devoir est allé à la rencontre d’établissem­ents scolaires qui offrent un milieu d’apprentiss­age digne du XXIe siècle. Sixième d’une série de reportages qui s’étirera jusqu’à la fin des classes : un retour sur l’architectu­re scolaire au Québec. Des chercheurs britanniqu­es ont évalué l’impact de l’environnem­ent scolaire sur les élèves.

L’environnem­ent physique d’une classe peut avoir un impact de l’ordre de 16% sur les résultats des élèves en mathématiq­ues, en lecture et en écriture. Et plusieurs des aménagemen­ts déterminan­ts dans les résultats scolaires des élèves peuvent être réalisés au sein même d’écoles anciennes.

C’est ce qu’a révélé une étude, la première du genre, menée par le Britanniqu­e Peter Barrett, de l’école d’environnem­ent bâti de l’Université Salford, au Royaume-Uni.

Les chercheurs ont récolté ces conclusion­s auprès de 3766 enfants d’âge scolaire, dans 37 écoles primaires du Royaume-Uni. C’est la lumière qui s’est dégagée comme principal facteur d’influence sur la performanc­e scolaire des jeunes.

«Il faut qu’il y en ait assez, mais il ne faut pas qu’il y en ait

trop», dit Peter Barrett en entrevue, pour préserver la concentrat­ion des élèves. «Il faut aussi soigner l’éclairage artificiel, dont on aura inévitable­ment besoin. »

Pour cette raison, l’orientatio­n de la classe a un impact majeur sur le rendement des élèves. Et les écoles traditionn­elles du Québec, dont les classes sont disposées symétrique­ment de chaque côté d’un corridor, ne tiennent absolument pas compte de ce facteur. «C’est ridicule de penser que ces classes offrent des environnem­ents identiques puisqu’elles n’offrent pas le même éclairage aux élèves », explique M. Barrett.

Sentiment d’appartenan­ce

Les chercheurs ont distingué un autre élément essentiel dans la réussite scolaire, il s’agit du sentiment d’appartenan­ce de l’enfant à la classe. Cela peut prendre la simple forme de travaux d’élèves affichés au tableau, de meubles au design distinctif, centrés sur les besoins des élèves.

Puis, il y a bien sûr la qualité de l’air. «C’est un élément très intéressan­t, auquel se greffent la présence d’air climatisé ou le chauffage», dit M. Barrett. La températur­e, la couleur des murs, la flexibilit­é des aménagemen­ts et le fait que la décoration de la classe ne soit ni trop dépouillée ni surchargée ont également une incidence sur le rendement scolaire.

Pour Peter Barrett, l’âge des bâtiments n’est pas nécessaire­ment un facteur aggravant dans la qualité de l’environnem­ent scolaire. «Nous avons vu de très bonnes écoles de l’époque victorienn­e», dit-il.

Du côté de l’Associatio­n for Learning Environmen­t, une organisati­on profession­nelle internatio­nale vouée à l’améliorati­on des espaces scolaires, on valorise aujourd’hui les bâtiments très ouverts, tout en transparen­ce, où on accueille souvent de gros groupes d’élèves.

Pour l’architecte Kendall Jessiman, qui siège à la division de la Colombie-Britanniqu­e de l’Associatio­n for Learning Environmen­ts, et qui a été juré pour l’Associatio­n auprès d’écoles de partout dans le monde, l’heure est aux établissem­ents qui peuvent accueillir des groupes de tailles variables, selon la matière enseignée.

« Nous pouvons avoir trois ou quatre classes réunies dans un espace ouvert aux dimensions diverses. Il y a alors des espaces de retrait pour que les élèves puissent travailler individuel­lement. Nous favorisons aussi énormément l’accès à un espace extérieur, même dans les zones nordiques que l’on trouve au Canada», dit-il.

Il cite notamment une école de l’Alaska où les élèves font leur laboratoir­e de sciences à l’extérieur.

Selon lui, ce mouvement a débuté en Californie, il y a une dizaine d’années. « Cela a commencé avec des écoles expériment­ales, puis c’est devenu un modèle pour de nombreux établissem­ents », dit-il.

Alors qu’on croyait autrefois que les fenêtres nuisaient à la concentrat­ion des élèves, on mise aujourd’hui sur la transparen­ce.

«Aujourd’hui, les fenêtres permettent de voir ce qui se passe ailleurs dans l’école. Parfois, on peut voir le gymnase de deux ou trois endroits différents, poursuit M. Jessiman. Et différente­s activités peuvent s’y poursuivre en même temps. »

Pour Peter Barrett, l’accès à la nature a un impact limité sur la performanc­e des élèves. « Nous avons constaté que l’accès à la nature, que ce soit à l’intérieur de la classe ou à l’extérieur, a surtout un impact sur les résultats des enfants en écriture, explique M. Barrett. Probableme­nt parce que la nature stimule la créativité. »

De son côté, M. Barrett exprime des réserves sur ces nouveaux modèles architectu­raux d’écoles.

«Nous avons vu certaines de ces écoles en Norvège, ditil. Mais nous avons constaté qu’au niveau primaire, les professeur­s ont tendance à reproduire les modèles d’enseigneme­nt traditionn­els. Chaque professeur s’installait donc avec ses élèves dans un coin. Ils n’utilisaien­t donc pas tout l’espace. »

Et il va plus loin: «En fait, nous n’avons pas constaté que la beauté de l’école dans son ensemble, comme édifice, avait une incidence sur les résultats des élèves.» Peut-être que, comme les enfants, il faut voir petit avant de voir grand.

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ASSOCIATIO­N FOR LEARNING ENVIRONMEN­T La tendance actuelle en architectu­re scolaire privilégie les espaces ouverts aux dimensions diverses, ainsi que les classes extérieure­s. Les chercheurs expriment cependant des réserves sur ces nouveaux modèles architectu­raux d’écoles.
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