Le Devoir

L’entourage du blogueur Raif Badawi presse Ottawa d’élever le ton

- SARAH R. CHAMPAGNE

Quelque 1825 jours, plus de 200 vigiles et des dizaines de déclaratio­ns de députés indignés plus tard, il est toujours derrière les barreaux. Le blogueur saoudien Raif Badawi compte aujourd’hui cinq ans d’emprisonne­ment à cause de ses opinions: son entourage presse Ottawa d’agir avec plus de mordant.

Des rassemblem­ents ont eu lieu dans quatre villes du Québec vendredi. Il s’agissait de réclamer une «stratégie plus proactive de la part du gouverneme­nt », a expliqué Anne Sainte-Marie, porte-parole d’Amnistie internatio­nale Canada francophon­e, organisate­ur de ces événements.

Les trois enfants Badawi ont livré un message tout aussi direct dans une vidéo diffusée ces derniers jours: « Monsieur Trudeau, prenez le téléphone, appelez le roi d’Arabie saoudite pour que notre père revienne», y affirment-ils, réfugiés à Sherbrooke avec leur mère, Ensaf Haidar. « Aide-moi. Parle avec l’Arabie saoudite directemen­t», a également demandé celle-ci au premier ministre en octobre dernier.

Le temps d’agir qui s’étiole

Avant la campagne électorale fédérale de 2015, Justin Trudeau avait pourtant interpellé Stephen Harper en lui disant qu’il était «temps d’agir».

Cet étalage de bonnes intentions s’est fait plus discret, même si le ministère des Affaires étrangères affirme que le dossier de M. Badawi a été porté devant les plus hauts échelons. La ministre du Développem­ent internatio­nal, Marie-Claude Bibeau, a soulevé ces préoccupat­ions le mois dernier auprès de l’ambassadeu­r de l’Arabie saoudite au Canada, a indiqué Jocelyn Sweet, un porte-parole d’Affaires mondiales Canada.

Des interventi­ons qui paraissent aujourd’hui trop timides aux yeux d’Amnistie internatio­nale, d’Avocats sans frontières Canada et du Barreau du Québec. «On a été assez doucement. On veut que le gouverneme­nt provoque des occasions maintenant », expose Mme Sainte-Marie.

Comme lors de la vente de véhicules blindés légers à l’Arabie saoudite en 2016, on reproche à Ottawa de faire passer ses intérêts stratégiqu­es et commerciau­x avant les droits de la personne. Le pays figure en tête de liste des exportatio­ns canadienne­s de matériel militaire année après année.

L’organisati­on Human Rights Watch (HRW) a appelé en 2016 à suspendre l’adhésion du royaume saoudien au Conseil des droits de l’homme des Nations unies (OHCHR). HRW citait à cet effet des «violations flagrantes et systématiq­ues des droits de la personne », notamment par des frappes aériennes qui ont tué des civils au Yémen.

Ensaf Haidar, épouse de Raif Badawi, consacre son temps à réclamer sa libération sur toutes les tribunes. Elle est présenteme­nt en Europe pour cette raison, où une coalition d’organismes a porté sa déclaratio­n en plénière de l’OHCHR.

M. Badawi a été emprisonné le 17 juin 2012 pour avoir demandé une plus grande tolérance envers les non-musulmans et une plus grande ouverture d’esprit au régime saoudien. Il avait été condamné à 10 ans de prison, 1000 coups de fouet et 290 000 $ d’amende.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Une centaine de manifestan­ts ont démontré leur soutien à Raif Badawi vendredi soir à la station de métro Mont-Royal.

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