Vaincre la pauvreté urbaine, un défi pour le XXIe siècle
Du 19 au 21 juin prochain se tiendra à Montréal le 12e congrès mondial de Métropolis, dont le maire Denis Coderre assume la présidence. Il s’agira d’une occasion de réfléchir aux enjeux globaux avec lesquels les agglomérations urbaines doivent composer. Cette rencontre se tient quelques mois après l’adoption du «Nouvel Agenda urbain» lors de la Conférence des Nations unies de Quito, en octobre 2016.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, notre planète a connu une urbanisation accélérée. Plus de 50% de la population mondiale vit maintenant dans des villes. Selon les prévisions, ce sera 60% en 2030 et 70% en 2050. Sur plusieurs continents, notamment en Afrique, l’exode vers les villes a connu une ampleur phénoménale. L’extrême pauvreté que l’on trouve dans le monde rural explique en grande partie ce phénomène. Conakry, qui avait 59 000 habitants en 1959, en compte maintenant plus de 3 millions. Kinshasa, la capitale de la RDC, est passée pour sa part de 1 million d’habitants en 1970 à plus de 12 millions.
Les signataires de ce texte, anciens directeurs généraux d’ONG de développement international, connaissent la pauvreté dramatique — pour ne pas dire la misère — que l’on trouve dans les villes de plusieurs pays en développement. Et pour leurs populations, il ne s’agit pas seulement de pénuries individuelles, mais bien d’une pauvreté collective: égouts à ciel ouvert, montagnes de déchet, routes décaties, transport collectif inexistant, logements inadéquats, qualité de l’air préoccupante, insalubrité généralisée, services publics déficients, sinon inexistants.
À l’égard de cette situation, le Nouvel Agenda urbain constitue une lueur d’espoir en déterminant les problèmes auxquels il faut s’attaquer en priorité et offrant des pistes de solution correspondantes. Trois de ces problèmes retiennent particulièrement notre attention: la question de la gouvernance, celle de la fiscalité locale et celle de la participation de la société civile à la gestion des villes.
La gouvernance urbaine
Qu’on le veuille ou non, les villes du monde souffrent énormément à cause du modèle des États-Nations hérité du XlXe siècle et qui ne correspond pas à la réalité de l’urbanisation accélérée des 50 dernières années.
Les autorités locales sont souvent définies comme des niveaux de pouvoir «inférieurs» n’ayant pas l’importance des gouvernements nationaux. Historiquement, ceux-ci ont hérité des pouvoirs les plus substantiels ainsi que des champs fiscaux les plus lucratifs, ne laissant aux autorités locales que les miettes tombant de la table du riche. Quant à la démocratie locale, lorsqu’elle existe, elle est souvent considérée comme la ligue mineure de la scène politique.
Au Canada par exemple, ce n’est que récemment
que les gouvernements dits «supérieurs» ont daigné s’intéresser au problème de la dégradation des infrastructures urbaines et qu’ils concèdent un minuscule 1% de la taxe d’accise sur l’essence pour procéder aux réparations nécessaires. On a bien vu ce que de telles politiques ont donné dans des villes vieillissantes comme Montréal.
Ce qui est vrai dans les pays industrialisés l’est encore plus dans les pays en voie de développement. Pour sortir les villes de ces pays de leur pauvreté, il est donc urgent de favoriser l’émergence de gouvernements locaux disposant des pouvoirs nécessaires pour gérer les affaires urbaines. Les maires ne s’y sont pas trompés en écrivant dans leur déclaration finale à Quito : «Nous saluons l’usage du terme “gouvernements locaux” », entendant par là que l’ordre municipal devrait avoir le même statut constitutionnel que celui des gouvernements nationaux et infranationaux.
La fiscalité locale et les droits fonciers
Par ailleurs, il ne s’agit pas simplement de créer des gouvernements locaux efficaces. Il faut également leur donner les moyens financiers d’agir. Or, dans plusieurs pays en développement, établir une fiscalité locale constitue un défi. S’étant développées de façon anarchique, ces immenses agglomérations n’ont pas de cadastre sur une bonne partie de leur territoire donc pas de système de renforcement de la sécurité des droits fonciers. De nombreuses zones n’ont ni noms de rue ni adresses.
Il est donc essentiel que ces villes soient aidées à changer cette situation, ce qui leur permettra de générer des revenus propres tout en mettant fin à l’évasion fiscale qui profite aux plus riches. En outre, l’existence de registres fonciers ouvrirait l’accès au crédit hypothécaire et, ce faisant, à l’amélioration des logements.
La démocratie et la participation de la société civile
Enfin, on ne saurait trop souligner l’importance de la participation civique. Les villes doivent être des lieux de démocratie, d’égalité, de transparence et d’imputabilité. Comme l’a souvent souligné cette grande dame de l’architecture qu’est madame Phyllis Lambert, aménager le territoire sans tenir compte de l’avis des résidents est une erreur. C’est en associant les citoyens et la société civile à l’effort des gouvernements locaux que, comme le souligne le Nouvel Agenda urbain, « […] nous pourrons assurer progressivement le droit à un logement convenable… l’accès universel à l’eau potable et à des installations sanitaires sûres… l’accès pour tous, dans des conditions d’égalité, aux biens publics et à des services de qualité…».