La chaude saison des glaces: ce qui nous attend au comptoir
Tour d’horizon de ce qui nous attend au comptoir
Avec la météo printanière en dents de pluie, la saison des crèmes glacées n’a pas démarré sur les chapeaux de cornet. Mais le retard risque d’être vite rattrapé. Petite tournée de ce qui nous attend au comptoir lorsqu’on va se plaindre qu’il fait trop chaud (ça commence déjà !). Sauf pour une glace.
Les enrobages bling-bling
C’est la grande mode des trempages au chocolat noir, au lait ou blanc déclinés en de multiples parfums (thé vert, sorbet orange, érable, noir fleur de sel, pâte à biscuit, etc.) et de tout ce qui peut s’y agripper: miniguimauves, bouts de bretzels, morceaux de biscuits, confettis sucrés, bonbons… La mode est à l’enrobage de la crème glacée, mais aussi à l’enrobage visuel.
On trempe allègrement, on garnit de trucs et de bidules, puis on se prend en photo avant de s’attaquer à la chose avec une manucure impeccable sur un fond contrasté, et c’est parti sur les réseaux sociaux. Ainsi défilent sur Instagram ces torches glacées dignes des olympiades ! Comme celles que brandissent les clients de La Diperie. Plus de 25 boutiques franchisées sont attendues cette année au Québec et en Ontario. De quoi devenir la chaîne québécoise de glace molle trempée. Ce qui est manifestement l’intention!
Il semble bien loin, le premier petit commerce montréalais coincé sur l’avenue des Pins, à Montréal, avec ses murs turquoise, son concept de trempage et la douzaine d’arômes offerts à l’époque… en 2014! Son fondateur, Sam Arif, a dégoté un bon filon. Tellement bon que le groupe MTY, plus gros franchiseur alimentaire d’ici (Cultures, Sushi Shop, Thaï Express, La Crèmerie…) a mis la main dessus en rachetant 60% des actifs en décembre 2016.
« Le défi est de grossir de la bonne manière en maintenant une certaine qualité. J’essaie de garder mon affaire la plus intacte possible», dit Sam. Souhaitons-lui de ne pas trop se faire enrober, ou avaler.
Sois molle et végane
Déjà, la crème glacée molle reste un choix hyperpopulaire au Québec, mais la voilà désormais offerte dans des laits végétaux tels que soya, coco ou riz. Hoche Glacé est une nouveauté montréalaise ouverte depuis fin avril. C’est le pendant glacier du Hoche Café, installé depuis 2011 dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal.
Dominic Roy-Blanchette en est le propriétaire avec sa conjointe: «Nous avons trois enfants, nous aimons la crème glacée, et cela allait de soi de faire tout nous-mêmes, comme pour l’autre commerce. » Y compris de proposer des desserts glacés sans produits laitiers ou dérivés, sans oeufs. Parce que la demande est forte pour tout ce qui est « sans ».
La nutritionniste qui travaille pour Dominic a donc développé une recette de glace molle au lait de soya et une autre au lait de riz. Vanille, matcha, chaï… Les parfums varient ou alternent selon le turbinage de la semaine (sauf pour la vanille, toujours présente, qui permet de faire des tourbillons), avec la possibilité de deux enrobages véganes au chocolat: l’un à 54 %, l’autre à 70 %.
J’ai aimé la molle matcha au lait de riz (sans enrobage) pour sa légèreté et son dosage à la poudre de thé vert, ni trop ni trop peu, avec un bon maintien de la glace même s’il faut l’engloutir plus rapidement qu’une molle «classique». Ce qui n’est pas un exercice difficile, on s’entend.
Ras l’cornet, place aux biscuits!
Le sandwich glacé n’est pas en soi une nouveauté. La communauté
italienne nous a notamment ramené cette tradition gourmande. Par contre, on en voit davantage. Choisir son type de biscuit, celui du dessus pouvant être différent de celui du dessous, dans des recettes qui se déclinent également en «sans» (sans gluten, sans arachides, sans produits d’origine animale), et le nec plus ultra… pouvoir les tremper (La Diperie lancera bientôt ses sandwichs glacés trempés), figurent parmi les nouveautés.
Dalla Rose, une crèmerie artisanale, ouverte depuis l’été 2016 dans le quartier SaintHenri, a fait des sandwichs glacés l’une de ses spécialités. L’ancien chef des restaurants Nora Gray et Manitoba, Michael Dalla Libera, propose ainsi une petite gamme de biscuits maison. Quant à ses glaces, elles sont toutes faites à partir d’une crème anglaise avec des produits laitiers de qualité — excepté pour les versions véganes.
Cela donne un résultat vraiment onctueux, au goût bien marqué. Par exemple, pour sa choco-noisette, le chef part d’une base de noisettes torréfiées… Imaginez le résultat en bouche !
Boules d’arômes exploratoires
«On vient tout juste de faire une crème glacée à la moutarde de Dijon. On a déjà fait un sorbet poivron rouge-framboises, une glace à la carotte, une autre à la courge musquée», explique par courriel Alexandre Deslauriers, pâtissier-glacier et copropriétaire des Givrés. Ah?! Malheureusement, cette quenelle de glace moutardée, déposée sur une tartelette de chèvre, était une commande particulière pour un restaurant. Tout comme le sorbet au poivron. Donc, inutile de courir en boutique.
« La restauration et les commerces du type pâtisseries fines ont le plus de flexibilité pour expérimenter la frontière glacée mi-salée mi-sucrée. Je ne tiens pas en inventaire ces saveurs pour des raisons de volume de production et de stockage. [Même si le commerce reste artisanal dans sa démarche, notamment dans le choix des matières premières, l’équipement, lui, est semi-industriel] », explique Alexandre, dont la fabrique de glaces entame sa septième saison…
Tout en rêvant à voix haute d’un parfum «pâté chinois» qui présenterait les trois couches superposées, steakmaïs-patates, façon tranche napolitaine (un dessert glacé créé par les immigrants italiens installés aux États-Unis, qui place trois parfums l’un sur l’autre, généralement vanillechocolat-fraise).
Sachant que la couche « maïs » est déjà au point, puisque Les Givrés propose depuis plusieurs saisons sa crème glacée «épluchette de blé d’Inde», devenue pas mal populaire (parce que réussie!). Avec les glaces, il y a donc de quoi explorer. C’est d’ailleurs ce que pense Stephanie Le, la jeune propriétaire de Ca lem (qui veut dire «crème glacée» en vietnamien), un comptoir à glaces situé dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce à Montréal.
Ouvert en mai 2016, son commerce saisonnier propose pour presque la moitié des parfums asiatiques. La jeune femme, qui est encore aux études, puise dans ses origines familiales et surtout dans les tendances nord-américaines qu’elle voit passer sur les réseaux sociaux — on n’est pas étudiante en marketing pour rien! Ainsi, sa glace couleur charbon, une reprise de la grande mode apparue l’été dernier, création du glacier new-yorkais Morgenstern’s Finest Ice Cream, l’a mise sous les feux de nos instagrameurs locaux.
Il est vrai que cette glace à base de sésame noir, dont la couleur est renforcée par de la cendre de coco (du charbon activé, un produit naturel), fascine. Mais j’ai aimé d’autres parfums chez Ca lem: son café vietnamien (un espresso combiné à du lait condensé sucré), sa patate mauve (taro) et son thé thaï. Sans oublier la glace au fruit «qui pue et qui est défendu dans certains lieux publics », le durian, combiné à de la banane. Ne reste plus qu’à courir le cornet ou le sandwich glacé !