Un ennui plus grand que nature
L’inexactitude factuelle est le moindre des problèmes du film Churchill
De l’avis de plusieurs, Winston Churchill demeure le plus grand homme politique qu’ait connu la Grande-Bretagne. Même son faciès de bulldog eut l’heur de le rendre attachant aux yeux d’une nation inquiète aux heures les plus angoissantes de la Deuxième Guerre mondiale, et nombre de films et de téléfilms sont depuis revenus sur sa vie. Churchill, de Jonathan Teplitzky, est le plus récent en date.
Une certaine controverse entoure le film eu égard à son approche historique controuvée. Si l’on en croit le scénario de l’historien Alex von Tunzelmann, Winston Churchill, encore traumatisé par la bataille de Galipolli, en était à bloquer le débarquement en Normandie (opération Overlord) prévu le 4 juin 1944, et ce, aussi tard qu’en mai de cette année-là. Toute l’intrigue se déroule dans cette courte, mais cruciale, période.
Dans les faits, Churchill, et avec lui tout le haut commandement britannique, dissuada l’armée américaine de tenter une telle attaque en 19421943, la jugeant alors prématurée. Au printemps 1944, tous, Churchill y compris, travaillaient conjointement à la bataille de Normandie.
Les férus de la Deuxième Guerre mondiale et de ses jeux de coulisse pourront dénombrer à loisir les erreurs factuelles contenues dans le film. Seulement voilà, la question se pose: estce bien important?
Vérité subjective
Autrement dit, est-il avisé d’attendre une leçon d’histoire de la part d’un film? Même précédé de la mention «inspiré d’une histoire vraie», un film est toujours la résultante d’une multitude de subjectivités croisées: celles du scénariste (et des journalistes, biographes et historiens consultés le cas échéant), du cinéaste, des acteurs aussi, sans oublier les producteurs…
La bonne foi des uns et des autres n’est pas en cause, mais il demeure que chacun possède sa perception, sa lecture, sa vérité. À la célèbre affirmation de Jean-Luc Godard selon laquelle «le cinéma, c’est 24 fois la vérité par seconde », Brian De Palma répliqua un jour : « je crois justement que c’est plutôt le mensonge 24 fois par seconde ».
Le désaccord concerne bien sûr la nature fondamentale du cinéma, mais la vision de De Palma est tout aussi pertinente dans le présent contexte, à savoir le sempiternel débat autour de la rigueur factuelle que doit, ou non, afficher un film dès lors qu’il s’inspire d’un événement historique ou d’un fait divers.
Triste ironie
Churchill rate le test de l’authenticité, mais il se trouve que c’est là le moindre de ses problèmes. Avec sa trame minimaliste qui ne parvient jamais à générer la moindre tension dramatique, un comble compte tenu du contexte évoqué, le film de Jonathan Teplitzky (derrière le tout aussi beige Les voies du destin ou The Railway Man) a le souffle court.
Faute de budget, les personnages aux contours caricaturaux restent confinés dans des intérieurs passe-partout et foulent le moins de lieux extérieurs possible, et jamais accompagnés de figurants.
Ne forçant guère son imagination, Teplitzky multiplie les plans serrés afin de masquer les limites de sa reconstitution, en vain. Il ne fait ainsi qu’exacerber l’impression de petitesse qui se dégage d’un film qui, ironiquement, se voulait une célébration d’un homme plus grand que nature.