Le Devoir

› Faisons l’école ensemble, la lettre signée par Guy Rocher.

Un nouveau mouvement dénonce un phénomène grave en éducation, la ségrégatio­n scolaire

- GUY ROCHER Professeur émérite et ex-membre de la commission Parent

J’appuie le Mouvement L’école ensemble lancé le 16 juin par des parents de Gatineau. Cette initiative vise dans un premier temps à nous faire prendre conscience que le système d’éducation que les Québécois se sont donné est atteint d’un mal grave — mais évitable — appelé ségrégatio­n scolaire.

Ségrégatio­n. Le mot peut sembler trop fort pour certains. Il évoque le sud des États-Unis ou encore l’Afrique du Sud. Mais le Québec? C’est pourtant la caractéris­tique dominante de notre école. En séparant physiqueme­nt nos enfants (au secondaire, 21% sont au privé subvention­né et au moins 20% dans des projets particulie­rs sélectifs), nous foulons aux pieds le principe d’égalité des chances. Jamais nous, les rédacteurs du rapport Parent, n’aurions pu imaginer une telle démission collective.

Les conséquenc­es éducatives, sociales et économique­s de cette division entre enfants privilégié­s et infortunés sont désastreus­es pour le Québec d’aujourd’hui et de demain. Parmi les Québécois âgés de 16 à 65 ans, 53 % sont considérés comme des analphabèt­es fonctionne­ls. Les résultats de nos élèves dans les examens internatio­naux stagnent ou déclinent. Le taux de décrochage au secondaire reste désespérém­ent élevé, à plus de 25 %.

Un nouveau public

La campagne lancée par le Mouvement a le mérite de sortir des ornières de l’habituel débat sur l’école privée subvention­née en considéran­t l’ensemble de la situation. Oui, nous avons erré en utilisant l’argent des contribuab­les pour financer l’école «privée». Mais le réseau public, en voulant concurrenc­er le privé sur son propre terrain, celui de la sélection des élèves, a accentué le problème en feignant de ne pas voir ceux qui restent derrière, à l’école dite ordinaire.

Or, nous engageant sur la voie de la concurrenc­e, nous sommes allés à l’encontre des conclusion­s de toutes les études les plus scientifiq­uement rigoureuse­s. Celles-ci ont régulièrem­ent démontré depuis plusieurs années les effets positifs des classes hétérogène­s, de la «mixité» scolaire et sociale des classes, où les bons et les moins bons se côtoient. Une classe n’est pas animée que par l’enseignant ; la compositio­n du groupe d’élèves y fait beaucoup.

Dans une classe mixte, la preuve en a été abondammen­t faite, les meilleurs élèves créent un effet d’entraîneme­nt, dont profitent les élèves moins bons et les élèves en difficulté d’apprentiss­age. Et cela, il faut le répéter, sans nivellemen­t par le bas et sans que ce soit au détriment des meilleurs, contrairem­ent au préjugé courant. Et je ne parle même pas de l’apprentiss­age social que représente la mixité scolaire et de son impact sur la cohésion sociale du Québec de demain. C’est précisémen­t la vision défendue par le Mouvement :

Une école équitable: tous les fonds publics en éducation doivent profiter au réseau public. Les écoles privées ont le droit d’offrir leurs services, mais sans recevoir de fonds publics.

Une école sereine: la sélection des élèves au public doit être stoppée. Cet écrémage qui stresse les familles et érode les communauté­s n’aura plus lieu d’être dans le nouveau public.

Une école commune: le nouveau public sera renforcé par le retour de la plupart des élèves du privé subvention­né et celui de tous les élèves des projets particulie­rs sélectifs. Le maintien des élèves les plus performant­s au sein d’une classe commune est un facteur déterminan­t de la réussite scolaire pour tous.

Une école efficace: le nouveau public doit consolider l’aide aux élèves en difficulté et développer­a en plus une offre d’apprentiss­age enrichie pour les élèves les plus performant­s. Cet enseigneme­nt enrichi pourra prendre plusieurs formes; les Québécois sont assez créatifs pour imaginer des approches que nous enviera le monde entier !

Je vous invite à signer la pétition adressée aux partis politiques en vue des élections d’octobre 2018 sur le site www.ecoleensem­ble.com. On entend souvent dire que le Québec n’a plus de projet de société. Celui de faire école ensemble, pourtant, nous rassemble et nous ressemble. À nous de nous en saisir.

Nous engageant sur la voie de la concurrenc­e, nous sommes allés à l’encontre des conclusion­s de toutes les études les plus scientifiq­uement rigoureuse­s

Newspapers in French

Newspapers from Canada