Le Devoir

Deux morts dans une attaque djihadiste

Une trentaine d’otages ont été libérés

- SERGE DANIEL à Bamako

Une attaque djihadiste contre un lieu de villégiatu­re proche de Bamako fréquenté par des étrangers a fait deux morts dimanche, dont une Franco-Gabonaise. Une trentaine d’otages ont été libérés à la suite de ce premier attentat antioccide­ntal depuis 2016 dans la capitale malienne.

Le ratissage se poursuivai­t en début de soirée dans les environs pour retrouver les assaillant­s, dont le nombre n’a pas été précisé.

La cible, le campement Kangaba, un agréable « ecolodge » et site de détente situé à la périphérie de Bamako, prisé des expatriés et fondé par un Français, évoque d’autres sites attaqués par les groupes djihadiste­s du Sahel ces dernières années, notamment la station balnéaire ivoirienne de Grand-Bassam (mars 2016, 19 morts, dont huit étrangers).

«C’est une attaque djihadiste. Les forces spéciales maliennes sont intervenue­s» contre les assaillant­s, a déclaré à l’AFP le ministre malien de la Sécurité, Salif Traoré, faisant état de deux morts, une cliente franco-gabonaise décédée à l’hôpital et une autre victime en cours d’identifica­tion. Au moins un des assaillant­s a été blessé et a dû abandonner ses armes sur place, a-t-il souligné.

«Une vingtaine d’otages ont déjà été libérés», a ajouté le ministre, précisant que le ratissage se poursuivai­t «chambre par chambre», mais que les assaillant­s ne se trouvaient plus dans l’établissem­ent. Une source proche du dossier a par la suite fait état de 32 otages libérés, dont la nationalit­é n’a pas été révélée. En outre, 14 personnes — des Maliens et des étrangers — ont été blessées, selon le ministère.

La télévision publique ORTM a indiqué que l’unité malienne engagée était la Forsat (Force spéciale antiterror­iste), créée en 2016. Elle était appuyée par les militaires de l’opération française antidjihad­iste Barkhane et de la Mission multidimen­sionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisat­ion du Mali (MINUSMA).

Les assaillant­s auraient crié «Allah akbar» (Dieu est le plus grand), ont témoigné plusieurs des personnes secourues.

Des riverains ont dit à l’AFP avoir entendu des coups de feu en provenance du lieu attaqué. Une fumée s’élevait au-dessus du site, a constaté un journalist­e de l’AFP.

Le chef de l’État français, Emmanuel Macron, attendu le 2 juillet à Bamako pour le prochain sommet du G5 Sahel (Burkina Faso,

Mali, Mauritanie, Niger, Tchad), «suit de très près l’évolution de la situation», a appris l’AFP auprès de la présidence française.

Alertes de sécurité

La dernière attaque djihadiste visant des Occidentau­x dans la capitale malienne remonte à mars 2016, contre l’hôtel Nord-Sud de Bamako, abritant la mission de l’Union européenne qui entraîne l’armée malienne (EUTMMali). Un assaillant avait été tué.

Le 20 novembre 2015, un attentat contre l’hôtel Radisson Blu avait fait 20 morts, outre ses deux auteurs.

Il avait été revendiqué par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), en coordinati­on avec le groupe djihadiste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar, Al-Mourabitou­ne, qui avait scellé à cette occasion son ralliement à AQMI.

L’état d’urgence est en vigueur au Mali presque sans interrupti­on depuis cet attentat.

En mars 2015, une attaque contre le restaurant-bar La Terrasse avait fait cinq morts, dont deux Occidentau­x.

Le 9 juin, l’ambassade des États-Unis avait publié une consigne de sécurité à l’intention des citoyens américains les informant d’une « menace d’attaques accrue» à Bamako dans les lieux fréquentés par les Occidentau­x.

Dans une tribune publiée en janvier à l’occasion du sommet Afrique-France à Bamako, le propriétai­re du campement Kangaba, Hervé Depardieu, s’était insurgé contre les alertes de sécurité des chanceller­ies occidental­es, notamment française, dont il dénonçait les incohérenc­es.

«Les consignes de sécurité alarmantes émises par le consulat et les conseils aux voyageurs dissuasifs du site du ministère des Affaires étrangères entament sérieuseme­nt notre joie de vivre et nos libertés», déplorait-il.

Le nord du Mali était tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes djihadiste­s liés à al-Qaïda. Les djihadiste­s ont été en grande partie chassés de cette région par une interventi­on militaire internatio­nale, lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France, et qui se poursuit actuelleme­nt.

Mais des zones entières échappent au contrôle des forces maliennes et étrangères, régulièrem­ent visées par des attaques meurtrière­s, malgré la signature en maijuin 2015 d’un accord de paix, censé isoler définitive­ment les djihadiste­s, dont l’applicatio­n accumule les retards.

Depuis 2015, ces attaques se sont étendues dans le centre et dans le sud du pays, et le phénomène gagne les pays voisins, en particulie­r le Burkina Faso et le Niger.

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