Miser sur la laïcité
São Paulo — Une immense foule multicolore de centaines de milliers de personnes défilait dimanche à São Paulo pour un des plus importants défilés de la fierté gaie au monde, avec des revendications sur le thème de la laïcité au Brésil, où les lobbys religieux conservateurs menacent les droits LGBTQ.
Les organisateurs tablaient sur une affluence record de plus de trois millions de participants sur l’Avenida Paulista, artère emblématique de la ville bordée d’imposants gratte-ciel, qui au milieu de l’après-midi était noire de monde sur toute sa longueur, de 2,5 km.
«Nos principaux ennemis aujourd’hui sont les fondamentalistes religieux qui cherchent à nous retirer des droits déjà acquis », explique Claudia Santos Garcia, directrice de l’association qui organise la 21e édition de la Marche de la fierté gaie.
Le groupe parlementaire évangélique au Parlement, qui représente surtout des églises néo-pentecôtistes, compte 197 députés sur 513, dont 23 au sein de la commission des droits de la personne.
«Le Brésil n’est un État laïque qu’en théorie, parce que, dans la pratique, les députés évangéliques ne raisonnent qu’en termes de religion », a affirmé à l’AFP Marcos Brogna, défilant une couronne de fleurs dans les cheveux et enveloppé dans un drapeau arc-en-ciel. «Nous vivons un moment contradictoire, avec d’un côté des avancées importantes et de l’autre des discours rétrogrades de politiciens», insiste-t-il.
La communauté LGBTQ a obtenu de haute lutte certains droits importants ces dix dernières années, comme les opérations de changement de sexe autorisées dans les hôpitaux publics, le mariage civil et le droit à l’adoption d’enfants par des personnes du même sexe.
Mais les militants attendent toujours l’adoption de lois qui considèrent l’homophobie comme un crime, comme c’est le cas pour le racisme.
Le Brésil est un des pays les plus touchés au monde par la violence homophobe, avec 340 meurtres en 2016, un toutes les 25 heures selon les chiffres du Grupo Gay da Bahia.
En plus des revendications propres au mouvement LGBTQ, de nombreux participants du défilé criaient aussi «Temer Dehors», réclamant la démission du président conservateur, Michel Temer, éclaboussé par de graves accusations de corruption.
Mais au-delà de l’aspect militant, le défilé de la fierté gaie de São Paulo est avant tout une fête, réunissant une foule aux déguisements bariolés qui rappellent le carnaval, avec une prédominance de couleurs arc-en-ciel.
Tout au long de l’Avenida Paulista, les participants défilaient autour de 19 chars sur lesquels se produisaient des artistes de renom, comme la chanteuse Daniela Mercury, une des premières à avoir assumé son homosexualité.
Les festivités représentent aussi une manne importante pour l’économie locale : selon les organisateurs, la moitié des participants viennent d’autres villes et dépensent en moyenne près de 600 $ par personne.
«C’est la troisième fois que je viens ici, c’est une grande joie parce que c’est vraiment le seul endroit où on peut vraiment se libérer», s’émeut Mirella Andrade, transsexuelle de vingt ans venue de la région de Santos, à environ 80km de São Paulo.
Les militants attendent toujours l’adoption de lois qui considèrent l’homophobie comme un crime « Le Brésil n’est un État laïque qu’en théorie, parce que, dans la pratique, les députés évangéliques ne raisonnent qu’en termes de religion Marcos Brogna, à la manifestation de São Paulo